RÉSUMÉ DE LA DEMANDE
La demande émane d’une psychologue du travail et ergonome de formation, occupant le poste de « chercheuse en expérience utilisateur » au sein d’une agence web et d’un laboratoire d’analyse comportementale d’internautes. Une de ses missions principales est de mener des « sessions tests utilisateurs » visant à évaluer les interfaces en ligne développées pour ses clients. Ces sessions consistent en un accueil physique du participant afin de « le faire agir avec l’interface ainsi que de recueillir ses attentes et besoins lors d’un entretien complémentaire ».
Sans apporter de précisions dans son courrier sur la nature du lien entre les participants aux tests et les clients de l’agence web, la demandeuse indique être fréquemment confrontée à la requête de certains clients d’assister à ces séances. Selon elle, leur présence entraverait le principe d’anonymat et de confidentialité à réserver aux participants. Cependant, des agences concurrentes, dans lesquelles n’interviennent pas nécessairement des psychologues, acceptent la présence de leurs clients.
Elle sollicite donc la Commission afin de recevoir un avis déontologique sur les questions suivantes :
- Existe-t-il des alternatives qui permettraient de respecter le Code en rendant possible la présence du client (vitre sans tain, visionnage d’un enregistrement, séances photographiques, etc.) ?
- Est-ce qu’informer préalablement l’usager, lui faire signer un formulaire de consentement précisant la présence du client lors de ces sessions seraient des pratiques conformes à la déontologie ? Quelles informations devraient être alors mentionnées ?
- Quels arguments serait-elle en mesure d’apporter à ses clients pour justifier d’un refus de leur présence lors de ces sessions ?
- Enfin, dans le cadre de la diffusion de photos « post-test » visant à communiquer sur la démarche, à quelles limites l’anonymat devrait-il se confronter et est-ce qu’un « formulaire de droits à l’image » pourrait être envisagé comme outil pertinent ?
Document joint : Aucun
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Consentement éclairé |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière. La Commission se propose de traiter du point suivant :
Déontologie du psychologue intervenant dans le cadre d’expériences utilisateurs : consentement, respect des personnes et confidentialité Faire usage du titre de psychologue implique de faire référence aux règles de la profession telles qu’elles sont définies par la loi commune et reprises pour certaines dans le code de déontologie, et notamment dans son Préambule. Préambule : « […] Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue, quels que soient leur mode et leur cadre d’exercice, y compris leurs activités d’enseignement et de recherche. […] » L’usage de ce titre implique que toutes situations rattachées à l’exercice de la profession, aussi variées soient-elles dans les formes qu’elles peuvent prendre, engagent la responsabilité professionnelle du psychologue, comme souligné dans le Principe 3 du Code : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Il appartient alors au psychologue de circonscrire ses interventions selon les recommandations proposées dans les articles 4 et 5 du Code : Article 4 : « Qu’il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels. » Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences. » Dans la situation présente, la demandeuse se définie comme psychologue du travail et ergonome de formation, chargée au sein d’une agence web de la mission de « chercheuse en expérience utilisateur ». En réalisant une activité assurée par ailleurs par des professionnels non-psychologues, elle met pour sa part en relief son souci de respecter le Code et les spécificités de celui-ci dans l’exercice de sa fonction. Ici, la Commission a pu estimer que même si la demandeuse occupe un poste qui ne fait pas explicitement mention de son titre de psychologue, ceci engage néanmoins ses compétences en la matière. Lorsqu’un psychologue intervient auprès d’une personne et ce quel que soit le cadre de son exercice, il veille à intervenir en conformité avec le Principe 1 et en cohérence avec l’article 9, nécessitant de recueillir un consentement libre et éclairé. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, […]. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise […]. » Plus particulièrement, si celui-ci est engagé dans une activité à des fins dites de recherche, il intervient en accord avec les articles 46 et 47 du Code : Article 46 : « Préalablement à toute recherche, le chercheur étudie, évalue les risques et les inconvénients prévisibles pour les personnes impliquées dans ou par la recherche. Les personnes doivent également savoir qu’elles gardent leur liberté de participer ou non et peuvent en faire usage à tout moment sans que cela puisse avoir sur elles quelque conséquence que ce soit. Les participants doivent exprimer leur accord explicite, autant que possible sous forme écrite. » Article 47 : « Préalablement à leur participation à la recherche, les personnes sollicitées doivent exprimer leur consentement libre et éclairé. L’information doit être faite de façon intelligible et porter sur les objectifs et la procédure de la recherche et sur tous les aspects susceptibles d’influencer leur consentement. » Dans le cadre des séances de test décrites par la demandeuse, celle-ci doit veiller à garantir le respect de la confidentialité des éléments recueillis auprès de tous les participants et leur transmettre une information préalable quant aux objectifs visés et conditions de ces tests afin d’obtenir leur consentement éclairé. En cela, sa responsabilité professionnelle suppose d’informer les personnes de la présence de clients potentiels, que ce soit derrière une vitre sans tain ou par la diffusion post-test de l’enregistrement d’une séance, ceci afin d’obtenir leur accord explicite. De plus, un psychologue veille à réunir les conditions nécessaires et favorables au respect du but assigné à son intervention, selon le Principe 6. Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Dans le cas soumis, il apparait que la psychologue doit pouvoir mener une réflexion sur ce que pourrait induire la présence de clients potentiels durant ces tests utilisateurs tout en interrogeant les éventuelles incidences que cela pourrait avoir sur les résultats obtenus et leur exploitation. Plus particulièrement, si sa mission s’oriente vers une activité de recherche, elle doit engager une réflexion approfondie sur les fondements méthodologiques et éthiques de son cadre d’intervention dans le respect des personnes et de la discipline, comme l’y inventent les articles 44 et 45. Article 44 : « La recherche en psychologie vise à acquérir des connaissances de portée générale et à contribuer si possible à l’amélioration de la condition humaine. Toutes les recherches ne sont pas possibles ni moralement acceptables. Le savoir psychologique n’est pas neutre. La recherche en psychologie implique le plus souvent la participation de sujets humains dont il faut respecter la liberté et l’autonomie, et éclairer le consentement. Le chercheur protège les données recueillies et n’oublie pas que ses conclusions comportent le risque d’être détournées de leur but. » Article 45 : « Le chercheur ne réalise une recherche qu’après avoir acquis une connaissance approfondie de la littérature scientifique existant à son sujet, formulé des hypothèses explicites et choisi une méthodologie permettant de les éprouver. Cette méthodologie doit être communicable et reproductible. le cas soumis, la psychologue intervenant lors de ces sessions tests veille à mener une réflexion méthodologique sur ce que pourrait induire la présence de clients potentiels, et les éventuelles incidences sur les résultats et son analyse. » Enfin, toute transmission de conclusions à un tiers nécessite que le psychologue prenne appui sur l’article 17. Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Dans le cas présent, la psychologue a pour mission de rendre compte des résultats des tests auprès de ses clients. Même si sa fonction lui assigne de transmettre ces éléments, la psychologue reste responsable de la diffusion de ce qu’elle aura constaté tout en informant préalablement les participants sur le contenu et la forme des informations transmises. La Commission rappelle enfin que son rôle se limite à l’analyse des situations au regard des articles du code de déontologie des psychologues. Par conséquent, elle invite la demandeuse à orienter ses questionnements relatifs au droit à l’image ou au contenu d’un formulaire de consentement vers un conseil ou un organisme juridique compétent. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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