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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La Commission est saisie par le père d’un enfant de deux ans et demi qui est séparé de lui depuis plus d’une année. Son épouse a été, dans un premier temps, accueillie avec leur jeune garçon dans une structure d’hébergement « pour femmes battues » pendant que s’initiait une procédure devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF). Au cours de ce séjour, la psychologue de l’établissement a été amenée à rencontrer la mère et son fils. Elle les a par la suite reçus dans le cadre de son activité libérale et a fourni à la mère « une attestation ».

Le demandeur interroge la forme, le contenu et l’utilisation de cette attestation dans la procédure visant à statuer sur la résidence de l’enfant.

S’appuyant sur sa lecture détaillée du code de déontologie, il considère que la rédaction de cette attestation, au-delà de ne pas respecter certains éléments formels, manque de prudence, de rigueur et d’impartialité. Il reproche en outre à cette psychologue d’avoir pris en charge son enfant, dans le cadre du foyer puis dans son cabinet privé, dans la mesure où elle ne l’a pas plus rencontré qu’il ne lui a donné son accord. Il interpelle aussi la Commission sur la non-communication de documents concernant le suivi de plusieurs mois de son fils dont il estime devoir disposer. Il souhaite connaître les motivations de ce suivi et s’inquiète des conséquences sur son enfant, arguant d’une possible instrumentalisation, voire d’une aggravation du conflit parental.

Documents joints :

  • Copie de l’attestation remise à l’épouse du demandeur par la psychologue.
  • Copie d’un extrait de l’ordonnance de non-conciliation du couple fixant la résidence de l’enfant chez la mère.
  • Copie de deux avis de réception de courriers recommandés envoyés par le demandeur à la psychologue à son adresse institutionnelle. Ces courriers ont été retournés à l’expéditeur avec mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
  • Copie d’un échange de courriels adressés par le demandeur à l’Agence Régionale de Santé (ARS) visant à vérifier l’activité et l’enregistrement de la psychologue dans le répertoire ADELI.
  • Copie d’un avis de réception d’un courrier recommandé adressé par le demandeur à la directrice du foyer.
  • Copie de deux courriers recommandés adressés par le demandeur à la psychologue.
  • Copie d’un courrier recommandé de réponse de la psychologue à l’un des courriers du demandeur.
Posté le 19-01-2020 16:20:31

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Code de déontologie
Précisions :

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Respect du but assigné
- Secret professionnel

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

A la lecture de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Modalités d’intervention du psychologue auprès d’un enfant mineur dans un contexte de séparation parentale : autorisation, consentement et but assigné.
  • Forme et contenu des écrits du psychologue.

1- Modalités d’intervention du psychologue auprès d’un enfant mineur dans un contexte de séparation parentale : autorisation, consentement et but assigné

Le psychologue qui reçoit des personnes en entretien doit recueillir leur consentement. Ceci est rappelé dès le premier principe du code de déontologie ainsi que dans l’article 9 dans lequel est précisée la nécessité de les informer :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue […] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées ».

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Dans la situation présente, la psychologue a reçu dans un premier temps la mère et le jeune enfant dans le cadre de ses missions d’accompagnement et de prise en charge au sein d’un foyer d’hébergement d’urgence pour femmes victimes de violences. Ceci est conforme au but assigné aux fonctions d’un psychologue dans ce type d’établissement et ne contrevient donc pas à la déontologie rappelée dans le Principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans une situation de séparation familiale, tout psychologue doit être particulièrement vigilant quant aux demandes qui sont adressées par un seul des parents. L'analyse du contexte relationnel dans lequel se trouvent les enfants est indispensable et suppose de la part du psychologue prudence et discernement comme indiqué dans le Principe 2 du Code. Le psychologue doit être également attentif à la façon dont les enfants perçoivent ses interventions, surtout quand la relation entre les parents est conflictuelle :

Principe 2 : Compétence

« […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Les éléments portés à la connaissance de la Commission ne permettent pas de déterminer avec précision si le jeune garçon a été reçu sans sa mère au cours des onze rendez-vous renseignés par la psychologue dans son écrit. Dans le cas présent, elle a, semble-t-il, observé l’enfant à distance des propos tenus par le parent et au décours des entretiens avec la mère, ce qui relève de sa responsabilité et de son autonomie professionnelle comme le pose le Principe 3 du Code :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.»

La Commission estime que dans la mesure où ce père a rendu visite à son fils dans la structure d’accueil, il aurait été judicieux, sauf si cela est exclu dans le protocole d’intervention de l’établissement, que la psychologue puisse organiser un contact direct avec lui, comme préconisé dans l’article 27.

Article 27 : Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée.

Par la suite, la mère de l’enfant a demandé à être reçue au cabinet privé de la psychologue. Cette dernière y aurait vu l’enfant au cours d’un seul entretien. Le père avait quant à lui, à plusieurs reprises, exprimé son refus de toute consultation psychologique de son fils avec cette psychologue. Afin de recueillir un avis sur l’opportunité d’un suivi du garçon, il a consulté avec son enfant une autre psychologue, sans avoir, semble-t-il, sollicité l’autorisation de la mère.

La Commission, à cet égard, ne peut que rappeler les règles déontologiques énoncées dans l’article 11 du Code qui recommande de respecter l’autorisation et le consentement des deux parents détenteurs de l’autorité parentale, qui plus est dans un contexte de séparation :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de  majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Cependant et au-delà de son devoir de confidentialité, le psychologue est tenu au respect du secret professionnel énoncé comme un impératif dès le Principe 1 du Code déjà cité et précisé dans l’article 7 :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection.  […] Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ».

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. »

Cette obligation l’autorise à refuser toute communication aux parents d’un mineur des propos ou des productions recueillies lors des entretiens confidentiels avec leur enfant. Cette clause préalable doit cependant leur être explicitée car elle conditionne le bon déroulement des entretiens avec l’enfant et sa confiance envers le psychologue. Ce dernier doit néanmoins transmettre aux parents son avis sur l’état de l’enfant, sur la nécessité ou non de poursuivre des entretiens, en particulier comme dans le cas présent où il est question d’un très jeune enfant. Il peut de même décider de rédiger un écrit sur la situation.

Enfin, la Commission précise que les documents ou notes d’un psychologue ne sont pas nécessairement intégrés au dossier d’un établissement. Le dossier médical d’un mineur est consultable par des parents dont l’enfant est suivi dans le cadre d’un établissement de santé régi par le Code de la santé publique, ce qui n’est ni le cas d’un foyer d’accueil ni celui d’un cabinet privé de psychologue.

  1. Forme et contenu des écrits du psychologue

Le psychologue est amené à rédiger des écrits qui peuvent prendre différentes formes telles que des attestations, des comptes rendus, des courriers voire des expertises. Quel que soit le cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle comme l’indique le Principe 3 déjà cité et doivent respecter certaines caractéristiques formelles synthétisées dans l’article 20 du Code :

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

Dans un divorce conflictuel, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un document à la demande de son patient, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17 :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ».

La Commission a examiné avec attention les documents joints par le demandeur et a remarqué que, dans  l’attestation  fournie à la mère, son objet ainsi que le numéro ADELI de la psychologue ne sont pas indiqués.

Cette « attestation » a été établie dans le cadre des missions de cette psychologue au sein de l’établissement d’accueil. Elle rassemble dans un même document des informations de type factuel comme la date de début des rencontres et des observations relatives au comportement de l’enfant et à la qualité des interactions avec sa mère. En se référant aux visites du père dans la structure et au séjour de l’enfant à son domicile, elle suggère une causalité entre le comportement de l’enfant et la visite du père. A cet égard, le document rassemble des caractéristiques qui risquent de compromettre sa portée. La Commission estime par exemple que l’appréciation des interactions entre l’enfant et sa mère, pendant les entretiens, a pu manquer de prudence et constituer une surinterprétation du comportement du jeune garçon. La prise en compte des recommandations des articles 13 et 25 du Code aurait pu conduire à davantage de rigueur :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. »

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

L’autre document émanant de la psychologue est une copie d’un courrier recommandé avec avis de réception qu’elle a adressé au père, suite aux nombreuses sollicitations de ce dernier. Il est postérieur à la sortie de l’épouse et de l’enfant du foyer d’accueil et comporte les éléments formels requis pour identifier son exercice privé. Son contenu reste très factuel et prend soin de s’achever par la demande d’accord explicite faite au père pour que la psychologue puisse éventuellement continuer à voir l’enfant dans le cadre de ses rendez-vous avec la mère. Ce document est donc conforme à la déontologie professionnelle.

Pour la CNCDP,

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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Avis_18-10.pdf

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