A la suite de la demande de divorce engagée par la mère de deux enfants et pour trancher le litige avec le père relatif à leur garde et domiciliation, le juge aux affaires familiales a nommé un expert psychologue pour entendre les parents et les enfants afin de donner tous les éléments utiles à l’issue du litige.
Cette mère soumet cette expertise à la Commission car elle en conteste les conclusions et éprouve un sentiment de « forte injustice ».
Elle met en cause d'une part « l’étiquette » posée sur elle et ses conséquences (« poids de l’expertise » et utilisation faite par le père auprès des enfants) au regard de la brièveté de la rencontre avec l’expert et de sa méthode d’entretien : « une heure de temps », entretien sans « question ouverte », conduisant cette mère à « oublier » d’évoquer des éléments qu’elle juge essentiels. D’autre part, elle pointe un « biais » « qui aurait pu fausser le jugement » du psychologue : « le père des enfants a été reçu en dernier (phénomène de récence) ». Elle demande donc en conclusion « une contre-évaluation ».
Donnant nombre d’éléments d’ordre privé sur elle, le père et les deux enfants, la demandeuse, prête à envoyer « tous renseignements ou documents à fournir », souhaite que la Commission « étudie sa situation ».
Document joint :
Copie de l’expertise psychologique demandée par le juge concernant les enfants et les parents reçus séparément.
Année de la demande : 2013 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle
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Considérant la demande exprimée, la Commission abordera les points suivants : - Rappel des missions et limites de compétence de la Commission, - Méthodes et déontologie, - Prise en compte des conséquences des écrits professionnels.
Comme il a été énoncé dans l’avertissement, la Commission est une instance consultative qui ne juge ni n’arbitre les situations ou pratiques soumises. La Commission étudie les situations d'un point de vue déontologique c'est à dire qu'elle n’a pas compétence pour enquêter, interroger les professionnels impliqués ou les personnes concernées. Ses avis visent à « éclairer » les pratiques au regard du code de déontologie : ils ne sauraient avoir de facto une valeur probante. Au regard de l’article 14 du code de déontologie, les personnes placées en situation d’évaluation par un psychologue ont le droit à une contre évaluation : Article 14 : Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. Cependant, considérant le contexte judicaire de la réalisation de l’expertise, c’est à la demandeuse, le cas échéant, d’exprimer la requête d’une contre expertise au juge aux affaires familiales.
La demandeuse met en cause les conclusions de l’expertise en distinguant trois aspects relatifs aux techniques employées : - la durée de l’entretien avec le psychologue en ce qui la concerne, - la méthode d’entretien, - l’ordre des rencontres avec les protagonistes. Il est utile de rappeler le principe de responsabilité professionnelle et d'autonomie quant au choix et à l’application des techniques que le psychologue utilise pour réaliser sa mission : Principe 3 : Responsabilité et autonomie Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. Cette autonomie ne va pas sans la nécessaire rigueur qui commande ce choix : Principe 4 : Rigueur Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. De plus, quelles que soient les méthodes utilisées et considérant « la complexité des situations psychologiques », la pratique du psychologue ne peut se réduire à une application standardisée de celles-ci. En cela, il doit prendre en compte, car c’est de sa compétence, les éléments de la situation (durée des entretiens et leur conduite, ordre des rencontres…) susceptibles d’avoir des effets sur la perception de son implication personnelle : Principe 2 : Compétence Le psychologue tient sa compétence : (…) - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui (…) Les précisions apportées ci-dessus visent à rappeler que le Code énonce des principes auxquels le psychologue peut ou doit se référer pour ses choix de méthode. Le respect de ces principes contribue à protèger l’usager de pratiques inappropriées.
L’évaluation soumise à la Commission est une expertise psychologique demandée par le juge aux affaires familiales. En tant qu’expert nommé, le psychologue sait d’emblée que son écrit est destiné à un tiers, le juge, lequel lui a posé des questions précises. Le psychologue est donc conscient de l’importance des éléments et propositions qu’il va transmettre puisque ceux-ci visent à éclairer les décisions judiciaires dans l’intérêt des enfants. Il doit donc porter une attention particulière aux recommandations suivantes : Principe 6 : Respect du but assigné Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes Considérant le contexte, le psychologue est averti qu’en vertu du principe du contradictoire, portée à la connaissance des deux parents, son expertisepeut parvenir aussi à celle des enfants. Il doit donc être particulièrement attentif au respect des enfants et aux effets que son écrit est susceptible de produire sur leur développement et les liens de parentalité à venir. Article 2 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. Pour la CNCDP La Présidente Claire Silvestre-Toussaint |