Un père interroge la Commission au sujet du contenu d’un compte rendu d’expertise psychologique ordonnée par le Juge aux affaires familiales dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Ce compte rendu, dont il livre quelques extraits, laisse supposer que le témoignage de l’un de ses enfants, ainsi que des informations concernant un autre de ses enfants peuvent fonder des soupçons de maltraitance à leur égard au domicile de leur père. Le demandeur interroge la Commission sur la possibilité pour un psychologue, dans le cadre d’une expertise judiciaire, d’avancer de telles conclusions sans faire mention plus précisément des éléments sur lesquels il fonde ses affirmations. Il reproche en outre au psychologue de ne pas l’avoir rencontré de nouveau au terme de son enquête, ni de lui avoir fourni le résultat de ses investigations.
Enfin, il estime qu’un débat contradictoire entre les différentes parties aurait dû avoir lieu, étant donné la gravité des éléments cités.
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Année de la demande : 2013 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle
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Au vu de la situation présentée et des interrogations du demandeur, la Commission propose d’aborder les points suivants :
1 Les modalités de déroulement d’une expertise judiciaire Le psychologue expert est un professionnel, désigné par le Juge aux affaires familiales, qui doit pouvoir agir en toute indépendance pour conduire son évaluation de manière sereine et impartiale. Il est considéré comme responsable des méthodes qu’il emploie, en fonction des questions qui lui ont été posées, comme l’indique le principe 6 du code de déontologie des psychologues : Principe 6: Respect du but assigné Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. Le psychologue est tenu de définir le cadre de son intervention, en fonction de la mission qui lui est confiée. Cela permet aux intéressés de mieux comprendre les modalités d’intervention du psychologue, et de consentir de manière libre et éclairée à l’évaluation proposée comme le souligne l’article 9 du Code : Article 9 :Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. Dans la situation particulière d’une expertise ordonnée par un juge, le cadre est prédéfini par les questions posées par ce dernier, et le psychologue a pour mission d’y répondre, en vue d’éclairer la justice. Il orientera donc son intervention de façon à recueillir les éléments lui permettant de répondre à ces questions. Il n’appartient pas à la Commission de prendre position sur des questions de procédure, et donc de se prononcer sur le respect du principe du contradictoire dans la situation présentée. Néanmoins, elle tient à rappeler au regard du Code que le psychologue est tenu de se référer à la loi commune, et tout particulièrement quand les droits des personnes sont en cause. Principe 1 : Respect des droits de la personne Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. [...] Dans ce cadre, il doit assumer pleinement ses responsabilités comme le mentionne le principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. [...] Le code de déontologie fixe donc comme règle au psychologue de se conformer aux dispositions légales qui encadrent l’expertise dans un but de protection des personnes concernées. Dans ce même but, le psychologue peut rappeler aux personnes qu’elles sont en droit de produire d’autres évaluations que la sienne devant toute juridiction, ce que dit en substance l’article 14 du Code : Article 14 : Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. 2. Le contenu des écrits du psychologue Le demandeur affirme ne pas avoir trouvé dans le rapport les descriptions des faits sur lesquels la psychologue fonde ses allégations de maltraitance. La Commission considère que, de façon générale, le psychologue, dans sa mission d’expertise, doit apporter des informations donnant à ses constatations et à ses appréciations un caractère aussi objectivé que possible. Sont en jeu à la fois une question de rigueur et une question de clarté dans la communication. Principe 4 : Rigueur Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. Article 16 :Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. Mais dans le même temps, le psychologue doit tenir compte d’un certain nombre de considérations dans la gestion de ses informations. Ainsi, il ne lui appartient pas de se prononcer sur la matérialité des faits qui lui ont été rapportés. S’il en fait état dans son écrit, il choisit le niveau de précision qu’il juge adapté à l’information des futurs lecteurs du rapport. En effet, un rapport d’expertise adressé au Juge aux affaires familiales est communiqué aux adultes (parents) impliqués, et peut parvenir aussi par ce biais aux enfants eux-mêmes au moment de la procédure ou plus tard. Il y a là des considérations qui peuvent amener le psychologue à opter pour une présentation des faits qui tiennent compte de cette diversité dans la façon dont son écrit peut être reçu. Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. […] Pour la CNCDP La Présidente Claire Silvestre-Toussaint |