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Un homme adresse au Président de la CNCDP une lettre qu'il intitule « dépôt de plainte » et qu'il introduit en ces termes : « Je soussigné […] ai l'honneur de déposer plainte entre vos mains à l'encontre de N. psychologue ». Cette plainte porte sur une expertise qui a eu lieu en 2008, à la demande d'un juge aux affaires familiales, dans le cadre d'une procédure de divorce. La demande d'examen concernait le couple des parents et leurs trois enfants.
En prenant appui sur le Code Pénal et sur le Code de déontologie des psychologues, cet homme accuse le psychologue de « Discrimination religieuse, abus de position, abus de pouvoir » et s'estime gravement « atteint dans sa dignité et dans son honorabilité ».
A l'appui de son accusation d'abus de pouvoir  et de position, il retient le fait que le psychologue a rédigé le rapport d'expertise sur le papier à en tête du service où l'expertise a eu lieu. Il considère que cette expertise a été faite « sans aucune preuve, enquête, test, bilan ou technique scientifiquement validés » et que le psychologue tire « des conclusions réductrices et définitives » en ayant agi dans « une intention discriminatoire », discrimination rendue manifeste « par ses propres animosités par rapport aux opinions religieuses [du demandeur] ». Il reproche enfin au psychologue « d’avoir fourni à Mme [son épouse] une espèce de certificat de victime absolue, ce qu’elle n’a jamais été ».
Il se tient à la disposition du Président pour donner tous renseignements complémentaires.
Documents joints :

  • Copie du rapport d'expertise
  • Copie d'un compte-rendu d'enquête sociale.
  • Diverses pièces concernant l'épouse de Monsieur.
Posté le 15-11-2011 16:25:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Abus de pouvoir (Abus de position)
- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Mission (Distinction des missions)
- Consentement éclairé
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Traitement équitable des parties
- Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
- Responsabilité professionnelle
- Respect de la loi commune

Préambule

A plusieurs reprises, la CNCDP a examiné des situations similaires et l’on pourra utilement se référer aux  avis qui ont traité la problématique de la situation judiciaire de garde pour un couple.
Il importe toutefois de rappeler que la CNCDP, instance consultative, ne peut donner de suite à une plainte et à fortiori ne peut prendre des sanctions à l’égard de psychologues.
En effet, en l’absence de débat contradictoire et n’établissant ses avis que sur le témoignage du demandeur, elle oriente ses réponses sur une réflexion éthique à partir d’une situation présentée par le demandeur. Elle n’a donc aucun rôle d’arbitrage.
Dans ce contexte, la CNCDP se propose de traiter les questions suivantes :

  • L’abus de position du psychologue.
  • La discrimination religieuse
  • L'abus de pouvoir
  • L’abus de position

La notion de position dominante ou d’abus de position est généralement utilisée au plan économique.
Il s’agit d’une exploitation abusive de sa position qui est soit exclusive, soit dominante, pour fixer des prix, des conditions de vente ou de distribution.
En résumé, l’entreprise en position dominante fixe les règles et fait en quelque sorte la loi sur le marché.
La notion de position dominante appliquée aux conflits familiaux ou aux individus n'existe pas, semble-t-il, en droit français. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur la transposition de ce concept appliqué à la profession de psychologue.
Que serait donc un abus de position d’un psychologue ?
Nous retenons deux déclinaisons possibles :

  • Un abus lié à une position dominante du psychologue.
  • Il convient au préalable de préciser qu’en soi, une position dominante n’est pas nécessairement répréhensible. Ainsi, un psychologue exerçant en milieu rural où il serait le seul, ne fait pas obligatoirement preuve d’abus. Dans ce cas particulier, l’abus proviendrait par exemple d’application de tarifs prohibitifs en raison de l’absence de psychologue « 50 km à la ronde ».
  • Un abus lié à l’autorité morale que représenterait le psychologue.
  • Entre le fait que le psychologue est plus généralement considéré comme un spécialiste du comportement humain, plutôt qu’une autorité morale, cette notion d’autorité ne serait valide que si le psychologue ne fondait ses interventions que sur sa propre initiative. 

Le Code sur ces deux plans nous apporte des éléments de réflexion :
Article 23 - Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s'il estime qu'ils sont plus à même que lui de répondre à une demande.
Les tarifs pratiqués par les psychologues ne doivent donc pas êtres disproportionnés par rapport au service rendu et par rapport aux honoraires appliqués par des confrères y compris lorsque le psychologue détient un monopole géographique ou thématique.
Que ce soit en tant que salarié où il est missionné par l’institution ou que ce soit en libéral où il est mandaté par le client qui sollicite son intervention, le psychologue n’intervient pas de sa propre initiative.
L’Article 7 confirme ce cadre d’intervention et précise le degré d’autonomie du psychologue dans l’acceptation des missions qui lui sont confiées :
Article 7 - Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
Enfin, l’article 4 énonce que le psychologue peut exercer différente fonctions :
Article 4 – Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d'agent public. Il peut remplir différentes missions, qu'il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l'enseignement de la psychologie, l'évaluation, l'expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. […].

L’abus de pouvoir

Le pouvoir réside dans l’ensemble des moyens dont dispose un individu en vue d’une action ou mission déterminée. En soi, il n’est pas répréhensible.
L’abus de pouvoir est constitué par une utilisation de ces moyens qui serait excessive, inadaptée ou détournée. Le caractère arbitraire de cette utilisation signe le plus souvent la dimension abusive.
Pour un psychologue, abuser de son pouvoir serait de l’utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles il serait missionné ou alors d’utiliser ces moyens pour servir ses intérêts privés.
Plusieurs titres et un article du Code définissent le périmètre de cette question :
Article 9 - Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].
L’intervention du psychologue est donc soumise à l’accord du bénéficiaire qui doit en connaître par avance le champ, l’étendue et les moyens. Ainsi toute modification du cadre préalable pourra donner droit à contestation. De ce point de vue, un dépassement de ce cadre pourrait être signifié au psychologue. Ce même article ajoute :
[…] Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […] Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves. 
L’avis du psychologue peut être contredit ou relativisé ce qui limite conséquemment l’étendue de son pouvoir.
Enfin, si le psychologue dispose d’une certaine autonomie technique celle-ci n’est pas arbitraire et engage sa responsabilité comme le définissent les Titre 1-3 et 1-5 des Principes Généraux du Code de Déontologie :
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. […].
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s'attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

La discrimination religieuse

L’interdiction de toute discrimination religieuse fait partie des droits fondamentaux de tout citoyen. De multiples textes nationaux et internationaux y font référence. A cet égard, les Nations Unies ont défini (Haut Commissariat aux Droits de l’Homme) trois types d’obligations pour les Etats :

  • Obligation de respect (des religions),
  • Obligation de protection notamment envers toute forme de discrimination,
  • Obligation d’accomplissement c'est-à-dire faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits.

Comme le précise l’Article 13, « (…) [Le] titre [de psychologue] ne le dispense pas des obligations de la loi commune. […]. »
Cet impératif ne s’oppose cependant pas au fait que le psychologue ait à tenir compte des convictions  religieuses des personnes qu'il a à examiner, si l'expression spontanée de ces convictions fait partie de l'ensemble du matériel recueilli et s'il estime que leur incidence sur la dynamique relationnelle des personnes examinées doit être prise en compte
En effet, le travail du psychologue est généralement d’interpréter l’ensemble des matériaux recueillis quelle que soit leur nature.
Bien évidemment, l’utilisation de ces matériaux n’a pas pour objet d’apporter une appréciation sur les opinions ou croyances des sujets qui le consultent, mais plutôt de donner du sens sur le plan psychologique à l’utilisation qui en est faite par ces mêmes sujets et de réfléchir à l'incidence que ces croyances ou ces convictions peuvent avoir sur la situation à propos de laquelle l'expertise du psychologue a été sollicitée.

Avis rendu le 06/12/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-3, I-5 ; Articles 4, 7, 9, 13, 23.

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Avis 10-13.doc

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