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Le demandeur est séparé de sa femme, chez laquelle vit leur fille V., et cherche à faire reconnaître et à exercer son droit de visite auprès de cette dernière.
Il conteste "les termes ainsi que le fond" de l'attestation rédigée par une psychologue, dans laquelle celle-ci atteste "suivre" l'enfant V. Le document en question conclut ainsi : "II apparaît prématuré, voire préjudiciable, que V. aille passer des week-ends, des vacances ou même des nuits en dehors de la présence maternelle qui est pour elle, actuellement, le seul repère fiable."
Le demandeur estime cette attestation "arbitraire, hasardeuse et infondée" et pouvant lui porter préjudice. Il produit notamment les certificats de plusieurs médecins, généralistes ou psychiatres, afin de faire valoir que l'équilibre de sa personnalité et sa santé mentale ne sauraient être mis en doute, et qu'il est en capacité d'exercer ses droits parentaux à l'égard de sa fille.
C'est sur l'ensemble de ces éléments que le demandeur sollicite l'avis de la CNCDP.

Posté le 07-01-2011 17:10:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 1997

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Mission (Distinction des missions)
- Traitement équitable des parties
- Information sur la démarche professionnelle
- Responsabilité professionnelle

1) Sur le fond, il apparaît que la situation décrite renvoie à une insuffisante distinction des différentes missions qu'un psychologue peut remplir. On se référera ainsi à l'article 4 (Titre II) du Code de déontologie des psychologues "Le psychologue (...) peut remplir différentes missions, qu'il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l'enseignement de la psychologie, l'évaluation, l'expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. (...)"
La psychologue déclare "suivre" l'enfant, ce qui laisse entendre qu'elle est engagée avec elle dans un travail psychique, qu'il s’agisse de psychothérapie ou plus simplement de soutien psychologique.
Or, une mission de psychothérapie ou de soutien psychologique est fondamentalement distincte d'une mission d'expertise - qui est ordonnée par un magistrat- et ne saurait donc être assurée par le même professionnel à propos de la même personne.
En outre, l'intervention d'un psychologue, et en particulier l'expertise judiciaire, répondent à des règles précises Article 9 (Titre II) : "Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise.
Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention.
Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même.(...)
Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves."
Or, si le demandeur précise, dans un courrier adressé à la psychologue, avoir rencontré celle-ci huit fois, rien n'indique, dans les éléments qui nous ont été transmis, que cela ait été fait dans le cadre d'une mission d'expertise, ni dans le but d'une évaluation de la personnalité du demandeur, mais plutôt, semble-t-il, dans le cadre de la mission de "suivi" engagée par la psychologue auprès de la fille de celui-ci.
En ce sens, un psychologue cumulant fonction psychothérapique et fonction expertale ne pourrait que provoquer une confusion quant au sens de sa mission, et à sa compréhension par les intéressés : C'est ce qui semblerait être le cas ici, et aller ainsi à l'encontre des dispositions du Code de déontologie des psychologues.
En conséquence du point précédent, le demandeur fait valoir que le certificat rédigé par la psychologue met en doute la capacité du droit de visite du père à être bénéfique pour l'enfant. Il estime de surcroît que le dit certificat met en cause sa personnalité.
C'est pour contre-argumenter de telles positions qu'il produit plusieurs certificats médicaux attestant de sa santé mentale et de sa capacité à exercer ses droits parentaux.
Nous notons cependant que le document rédigé par la psychologue, s'il tend manifestement à orienter l'exercice des droits parentaux à la faveur exclusive de la mère, ne comporte aucun terme visant à qualifier directement la personnalité ou la santé mentale du demandeur.
La psychologue se conforme alors au point 1/ Respect des droits de la personnedes Principes généraux du Code de déontologie "(...) Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel (...)"
Mais si "le psychologue est seul responsable de ses conclusions" (article 12), lorsque la psychologue écrit que la mère est "le seul repère fiable",nous insistons sur les exigences de l'article 19 : "Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas deconclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence."
En marge des questions posées à la Commission par le demandeur, nous avons noté, concernant le certificat de la psychologue dont il nous a adressé copie, que ce document ne porte pas mention d'un destinataire explicite. Ceci nous permet de rappeler les règles qui s'appliquent en la matière Article 14 (Titre II) : "Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire."

 

Conclusion

Sans pouvoir évidemment nous prononcer sur l'exactitude des faits tels qu'ils ont été évoqués dans les informations qui nous ont été transmises, nous dirons qu'un psychologue agissant de la façon qui a été décrite ne respecterait pas le Code de déontologie des psychologues, en ne distinguant pas clairement entre les missions qu'il remplit, et en n'explicitant pas ces missions auprès des intéressés.
Nous suggérons au psychologue soucieux de respecter le secret professionnel, comme cela parait être le cas ici, de se montrer très vigilant quant aux conséquences indirectes que peuvent avoir ses conclusions sur les personnes en cause. Nous avons relevé, de plus, l'absence de mention du destinataire dans le certificat du psychologue.
Nous rappelons au demandeur que seule une mission d'expertise psychologique et/ou médicale nommément désignée par un juge serait susceptible, dans le contexte d'un contentieux, de formuler des avis sur l'opportunité de visite des parents, au regard de la dimension psychique des personnes concernées.

Fait à Paris, le 31 janvier 1998. Pour la CNCDP,
Claude NAVELET, Présidente

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Avis 97-05.doc

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