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Une psychologue sollicite la CNCDP à propos du secret professionnel. Elle participe à une commission départementale dont l’objectif est de réfléchir au « poste de psychologue en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes » (EHPAD). Elle rencontre des difficultés à défendre auprès du médecin animateur la notion de secret professionnel pour le psychologue dans ce type de structure.
Le médecin argumente son point de vue autour d’un devoir de transmission par le psychologue d’informations au médecin coordonateur et aux équipes, notamment du « contenu de ses entretiens », et de rédaction de ses notes sur des supports « accessibles aux autres professionnels ». Il stipule aussi que le psychologue doit transmettre « tous ses dossiers » à son successeur éventuel.
La demandeuse lui oppose le « respect de la vie privée des résidents », l’idée du partage des seules informations que le psychologue estime nécessaires pour une qualité de prise en charge de la personne, dans le respect de la législation. Elle précise avoir communiqué un document sur le secret professionnel aux différents participants du groupe de travail pour étayer son argumentaire.
Elle se dit très préoccupée de la suite donnée à cette réflexion, le médecin n’ayant pas modifié sa position et devant rédiger un rapport final, et la commission prévoyant par ailleurs d’élaborer un document sur « le rôle et les fonctions du psychologue en EHPAD » puis de l’envoyer aux établissements pour personnes âgées dépendantes du département. Elle craint que cette diffusion ne soit « préjudiciable pour les personnes âgées » si les aspects concernant le secret restent inchangés.
La demandeuse souhaite l’avis de la CNCDP afin, écrit-elle, « d’opposer un document sous votre « timbre » à cette commission ».

Document joint :
Ecrit d’une page sur le secret professionnel réalisé par la demandeuse, proposant une synthèse de différents extraits de textes (loi, circulaire, code de déontologie des psychologues).

Posté le 17-12-2010 12:36:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur Santé)

Contexte :
Relations/conflit avec les médecins

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Dossier institutionnel

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
- Secret professionnel (Notes cliniques personnelles)
- Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
- Respect de la personne
- Consentement éclairé
- Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique

Au regard de la demande formulée, la CNCDP déclinera sa réflexion en trois points :

  • Transmission d’informations au sein d’une équipe
  • Obligations du psychologue en matière de secret professionnel
  • Travail en équipe et indépendance professionnelle : un nécessaire équilibre.

1-  Transmission d’informations au sein d’une équipe

La manière de transmettre des informations est un point important soulevé par la demandeuse. Les articles 12, 14 et 20 peuvent aider le psychologue à se positionner avec mesure et objectivité quant aux modalités de transmission d’informations dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire :
Article 12 – « Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. »
Article 14 – « Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. Le psychologue n'accepte pas que d'autres que lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n'accepte pas que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier. »
Article 20 – « Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur […]. »

Il apparaît ainsi que le psychologue n’a pas à communiquer de notes personnelles (contenu d’entretiens, protocoles de test…), qui n’ont d’intérêt que pour lui-même et l’ajustement de son intervention. Il peut par contre, sans trahir la confiance du patient et la confidentialité, transmettre des informations plus générales, utiles à la globalité de la prise en charge, dans un esprit de complémentarité. A titre d’exemple, il peut s’agir d’objectifs d’aide ou thérapeutiques, de la perception de l’état psychologique, d’observations cliniques…

En cas d’absence temporaire ou de départ, le psychologue ne transmet à un remplaçant ou successeur que les informations nécessaires à la continuité de sa mission dans le cadre qui lui a été fixé. Toutefois, les documents qu’il a versés au dossier patient sont des documents de l’institution, appartiennent à cette dernière et sont consultables par les intervenants ainsi que par les usagers/patients ou leurs représentants légaux. Les articles 16 et 20 explicitent ces  points  particuliers :
Article 16 – « Dans le cas où le psychologue est empêché de poursuivre son intervention. Il prend les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle soit assurée par un collègue, avec l'accord des personnes concernées, et sous réserve que cette nouvelle intervention soit fondée et déontologiquement possible. »

2-  Obligations du psychologue en matière de secret professionnel

Le respect du secret professionnel, quel que soit le lieu et le domaine d’exercice et le public concerné, demeure l’un des piliers déontologiques de la profession de psychologue. Il permet en effet au patient, usager, client, résident… d’avoir la garantie d’une préservation des informations personnelles et parfois très intimes, qu’il est amené à confier dans le cadre d’un entretien psychologique. Il est essentiel à l’instauration et la pérennité d’une relation de confiance, sans laquelle aucun travail psychologique, qu’il s’agisse de soutien, conseil, évaluation, psychothérapie, ne peut être sérieusement envisagé.
Destinataire d’informations à caractère confidentiel, le psychologue est ainsi astreint au secret professionnel essentiellement par ses fonctions ou missions alors que d’autres intervenants y sont tenus par leur profession (assistants sociaux, médecins…).
Par ailleurs tout professionnel exerçant dans une structure départementale dépendant de la fonction publique territoriale -ce qui correspond à la situation évoquée- est soumis de fait au secret professionnel.
Ce dernier est régi par des textes législatifs, déclarations et conventions : code pénal (articles 226-13 et 226-14), code de la santé publique, code de l’action sociale et des familles, loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, loi du 5 mars 2007 réformant  la protection de l’enfance et loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance notamment, Déclaration universelle des droits de l’homme, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales…(liste non exhaustive, actualisée selon l’évolution de la législation).
Parmi les principes généraux du code, le premier relatif au respect des droits de la personne, pose le principe fondamental de respect du secret professionnel. Il rappelle en effet à la fois la notion de nécessaire consentement éclairé avant toute intervention et celle de préservation de la vie privée :
Titre I, 1. Respect des droits de la personne
« Le psychologue… n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées [...] Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

L’article 8 du titre II stipule en outre que la préservation de ce secret est indépendante du contrat ou statut qui lie le psychologue à une entreprise. Si le psychologue doit logiquement rendre compte de son activité comme tout membre d’une équipe, il ne peut par conséquent lui être imposé de le faire en restituant « intégralement » des propos et confidences recueillis et donc en dérogeant au secret :
Article 8 – « Le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions… ».

3 - Travail en équipe et indépendance professionnelle : un nécessaire équilibre.

Concernant la question plus globale du respect de la personne dans sa dimension psychique qui apparaît en toile de fond de la demande, le titre I du code de déontologie énonce sept principes généraux tout en précisant au préalable que : « La complexité des situations psychologiques s'oppose à la simple application systématique de règles pratiques. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement, dans l'observance des grands principes suivants… »
Il apparaît ainsi que l’application de ces grands principes, si elle constitue un socle professionnel, nécessite conjointement une prise en compte attentive du contexte d’exercice et des problématiques en jeu, notamment dans un cadre pluridisciplinaire où les objectifs de certains professionnels peuvent parfois se trouver en décalage avec ceux d’autres intervenants. Il s’agit donc de les adapter en faisant preuve de discernement, en veillant au mieux à l’intérêt de la personne prise en charge et au respect de ses droits.
Transmettre de l’information et communiquer au sein d’une équipe, tout en respectant des règles déontologiques, renvoient également aux notions de responsabilité et d’indépendance professionnelle du psychologue.
Le psychologue doit en effet être attentif au respect de son indépendance professionnelle, sans laquelle il ne peut exercer sereinement et mettre pleinement à contribution ses compétences.
Deux principes du Titre I ainsi que l’article 6 viennent à l’appui de cette idée :
Titre I - 3 - Responsabilité : « Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s'attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. »
Titre I - 7- Indépendance professionnelle : « Le psychologue ne peut aliéner l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit. »
Article 6 – « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels. »

En conclusion, le psychologue travaillant dans le cadre d’une institution, doit s’efforcer d’allier constamment son souci de la personne ou de l’usager, la garantie d’une compétence professionnelle, la nécessaire transmission d'information au sein de l'équipe et le respect des différents champs de compétence de ses collègues.

Avis rendu le 18/11/2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l'avis : Titre I-1, Titre I-3,Titre I-7 ;  Articles. 6, 8, 12, 13, 14, 16, 20.

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Avis 08-16.doc

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