Fil de navigation

Le demandeur sollicite la CNCDP concernant la situation dans laquelle se trouve son épouse. Celle-ci affirme être suivie par un psychologue, qui par ailleurs travaille dans la même institution qu'elle. Le demandeur estime que sa femme est victime d’un « abus de faiblesse » de la part du dit psychologue, et souhaite « la préserver d’un danger potentiel » qu'il pense qu'elle ne suspecte pas.Il pointe notamment l’existence de rencontres entre son épouse et le psychologue dans le véhicule personnel de ce dernier, à des heures (« de 6h00 à 23h00 ») et dans des endroits (« dans les bois ») qu’il estime inappropriés.

Il demande à la Commission « une réponse à la grave question [qu’il se] pose concernant la sécurité de [son] épouse ».

Posté le 28-10-2014 20:21:37

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2012

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Conditions matérielles

Questions déontologiques associées :

- Abus de pouvoir (Relations d'ordre privé avec un patient)
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle)
- Consentement éclairé
- Discernement
- Information sur la démarche professionnelle
- Probité
- Respect de la personne
- Responsabilité professionnelle
- Traitement psychologique de personnes liées au psychologue
- Usage abusif de la psychologie

Après examen des éléments qui lui ont été fournis, la Commission se propose de traiter les deux points suivants :

  • La définition des conditions à l’exercice professionnel,

  • L’intégrité et la probité du psychologue dans sa pratique professionnelle.

    1. 1. La définition des conditions à l’exercice professionnel.

La pratique de la psychologie, quel qu'en soit le contexte, requiert le respect de certaines conditions, qui garantissent la qualité du travail réalisé par un professionnel diplômé. Ces conditions, qu’elles soient techniques ou matérielles, sont de nature à assurer à l’usager une parfaite compréhension du processus en jeu dans la relation engagée avec le psychologue. Elles permettent de cerner les enjeux, et évitent les dérives concernant le cadre déontologique de la pratique psychologique.

Ainsi l’exercice professionnel du psychologue se fonde sur ses compétences dont sa capacité de discernement fait partie, selon les termes du code :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

[…]

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. [...]

Le demandeur questionne la Commission sur la capacité du psychologue à cerner ses limites dans le cadre d’une intervention hors de son cadre d'exercice habituel, et répondant de surcroît à la demande d’une employée de la même institution.

Son questionnement porte notamment sur l'endroit des entretiens réalisés par le psychologue avec son épouse. Le lieu où se déroule l’exercice professionnel doit permettre une compréhension sans ambiguïté du but assigné de ces entretiens.

Le code de déontologie nous indique l’importance d’un local aménagé à cet effet sur le lieu d’exercice, car quel que soit l’endroit où se déroulent les entretiens, le psychologue doit pouvoir garantir le cadre professionnel des échanges.

Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel d'une installation convenable, de locaux adéquats pour préserver la confidentialité, de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.

Quand, du fait de son implication personnelle, le psychologue n’est pas en mesure de répondre à la demande qui lui est adressée, sa déontologie l’invite à orienter la personne vers un autre psychologue, comme le précise l’article 6 du Code. Concernant la situation présentée à la Commission, le psychologue et la personne qui le consulte travaillent dans la même institution.

Article 6 : Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises.

    1. 2. L’intégrité et la probité du psychologue dans sa pratique professionnelle.

Le psychologue doit pouvoir distinguer ce qu'il fait dans un cadre privé de ses activités dans un cadre professionnel. Il n'est pas seulement responsable de ses actes, il endosse aussi une responsabilité professionnelle, qui l'incite à devoir présenter une pratique conforme aux attentes des usagers mais aussi respectueuse des règles déontologiques dont la Profession s’est dotée. Le psychologue doit respecter les principes généraux qui fondent le Code, et fait preuve d’une intégrité et d’une probité inconditionnelle.

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

Lorsque qu’il choisit de réaliser les entretiens dans des conditions inhabituelles, comme l’évoque le demandeur, qualifiant le cadre (lieu et heures) de « dysfonctionnel », le psychologue doit pouvoir expliquer à l’usager, avec clarté et rigueur, le choix de son mode d’intervention :

Principe 4 : Rigueur

Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une

explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Lorsque les capacités de discernement de la personne concernée par l’intervention du psychologue sont susceptibles d’être altérées du fait de sa souffrance psychique, le psychologue est d'autant plus attentif à assurer le respect de la personne ainsi que son consentement libre et éclairé, comme le précisent les articles 12 et 9 :

Article 12 : Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des motifs et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Si comme l’exprime le demandeur, l’existence d’un lien et d’une proximité physique entre son épouse et le psychologue est de nature à évoquer une relation affective ou sexuelle, il appartient au psychologue d’expliquer et de justifier sa méthode afin de lever toute supposition de cette nature.

Le psychologue s’abstient d’intervenir auprès d’une personne auquel il est lié à titre personnel, comme l’y invite l’article 18 du code de déontologie:

Article 18 : Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l'obligation de se récuser

.

Dans le cas contraire, son attitude ou le choix de modes d’intervention inhabituels présenteraient un risque pour la personne qui pourrait subir une réelle aliénation, évoqué dans l’article 15 du Code :

Article 15 : Le psychologue n'use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation économique, affective ou sexuelle d’autrui.

Dans le cadre de cette demande, la Commission estime que, si tel était le cas, la réalisation d’entretiens psychologiques dans le véhicule personnel du psychologue, stationné en forêt, de surcroît à des heures inhabituelles, est de nature à rendre ambigu le cadre professionnel entre un psychologue et la personne qui le consulte, tant pour cette personne que pour le mari qui nous adresse la demande.

Même s’il appartient au psychologue et à l’usager de fixer avant toute intervention quel en sera le but et le cadre, la Commission relève le caractère inconsidéré des rencontres décrites par le demandeur et dont il semble difficile de leur attribuer le qualificatif d’entretiens psychologiques professionnels.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire SILVESTRE-TOUSSAINT

Recherche