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Divorcée depuis plusieurs années, la requérante sollicite l’avis de la Commission  sur un rapport d’expertise psychologique de la famille qui avait été demandée au moment de son divorce par la juge aux affaires familiales. Elle souhaite que la Commission «  évalue la qualité de cette expertise ainsi que sa conformité au Code de Déontologie des Psychologues, dont [elle] détient un exemplaire et dans lequel [elle] relève plusieurs points cruciaux auxquels cette expertise ne [lui] semble pas correspondre ». Elle dénonce en particulier :
- le fait que la psychologue «  favorise la version des faits donnée par [son] ex-mari »    dans le traitement des deux parents,
- le caractère insultant des jugements de la psychologue expert  qui  tend à « minimiser [sa] vie de femme maltraitée » et qui se permet de juger la mère de la requérante  alors qu’elle ne l’a jamais rencontrée.
Elle évoque également :
- le non-respect du délai d’envoi du rapport à l’issue de l’expertise (2 mois et demi au lieu de 2 semaines)
- la prise de contact, au-delà de ce délai, avec une association  qui s’était  chargée d’organiser des « droits de visite médiatisés » entre sa fille et son ex-mari.

Pièces jointes :
-  le rapport d’expertise psychologique (Août 2000),
- un texte de 4 pages intitulé par la requérante  « Commentaires sur le rapport d’expertise et rétablissement de la vérité »,
- 2 certificats médicaux (1999) établis à la suite de disputes conjugales,
- un procès verbal de constat d’huissier demandé par la requérante « aux fins de procéder à toutes constatations utiles concernant le déroulement de l’exercice du droit de visite » du père à sa fille (une enfant de 3ans).

Posté le 30-11-2010 15:29:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2004

Demandeur :
Particulier (Usager / Client)

Contexte :
Procédure judiciaire entre époux

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Traitement équitable des parties
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Discernement

Dans un contexte de conflit conjugal, la Commission n’a pas pour mission de se prononcer sur  la véracité des faits qui lui sont rapportés par la requérante. Son rôle est uniquement d’apprécier si, au vu de l’écrit qu’elle a transmis à la Justice, la psychologue a respecté ou non le Code de Déontologie de sa profession.

Sur le plan formel, la psychologue a respecté l’article 14 du code qui stipule :<<Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention du destinataire .>>
Dans le cas présent, la psychologue a bien précisé la méthodologie et la mission qui lui ont été demandées :
- Décrire les traits principaux de la personnalité de l’enfant et de ses parents par la technique de l’entretien (audition des intéressés) et de tests appropriés (sur l’enfant).
- Donner un avis sur la solution résidence et sur le droit de visite et   d’hébergement du parent qui n’aurait pas la résidence  de l’enfant. >>

 Sur le plan du contenu de l’écrit de la psychologue, la Commission retiendra 4 points :

  1. La prise en compte de la dimension psychique,
  2. le traitement  équitable des parents,
  3. le caractère relatif de toute évaluation,
  4. la mission de la psychologue auprès de l’enfant.

          a)   La Commission rappelle l’article 3 du Code   << La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.>>  Or, la psychologue privilégie une évocation très factuelle de la vie du couple concerné. Ce qui semble tenir lieu d’analyse psychologique dans les entretiens avec  Monsieur et de Madame sont les interprétations  et les jugements qu’ils rapportent l’un sur l’autre.  A lui seul, le respect du point de vue de chacun ne saurait tenir lieu d’une élaboration spécifique de l’activité du psychologue.

        b)  Bien que le père et la mère  aient été reçus dans les mêmes  conditions ( un entretien clinique ) il semble que leurs témoignages n’aient pas été traités de façon équitable. On relève en effet que les éléments biographiques évoqués par Monsieur sont  rapportés à l’indicatif alors que le conditionnel est systématiquement employé pour les propos de Madame. Cette formulation entraîne  indirectement une tonalité de doute sur la véracité du  témoignage de la requérante. Le parti pris de la psychologue paraît évident ce qui contrevient à l’article 9 du Code <<  Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves. >>

           c) Dans l’ écrit concerné et notamment dans sa conclusion,  on relève de nombreuses  affirmations non étayées et des jugements de valeur qui sont en contradiction avec l’article 19  du Code :<< Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence. >>

            d) La psychologue n’avait pas pu remplir  auprès de l’enfant la mission qui lui avait été confiée. En effet, l’enfant étant très jeune et très craintive, il n’avait  été possible ni de la  rencontrer seule ni de la tester.
Cette évaluation n’ayant pu se faire, la psychologue avait néanmoins  cherché à donner un avis en sollicitant une collègue qui avait  «  rencontré l’enfant à deux reprises ».  Puis, en différant la remise de son rapport, elle avait pris contact avec une association chargée de mettre en place les modalités de l’exercice du droit de visite du père. En s’assurant de l’accord des deux parents, la psychologue était en droit de mettre en œuvre cette démarche. .L’article 9 précise bien que << les avis du psychologue peuvent concerner des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. »
Toutefois, la commission observe que d’une part la psychologue ne semble pas s’être assurée de l’accord de la mère  et que d’autre part elle semble ne pas avoir pris la  mesure des incidences  de ces observations sur  les tensions  entre les parents autour de leur enfant.

En conclusion, on peut penser que dans ce contexte familial très conflictuel, la   psychologue a manqué de prudence dans le respect de l’équité entre les deux parents.

 

 

PARIS, le 12 mars 2005
Pour la CNCDP
Jean CAMUS, président

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Avis 04-27.doc

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