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Un père de deux enfants âgés de 8 et 6 ans, sollicite la Commission au sujet d'une attestation produite par une psychologue exerçanten libéral. Cette dernière aurait remis cette attestation à son « ex-épouse avec laquelle une procédure de divorce et de garde des enfants est engagée ».

Le demandeur reproche à la psychologue :

  • d'une part, d'avoir suivi ses enfants sans en avoir été informé, alors qu'il est détenteur de l'autorité parentale,

  • d’autre part d'avoir relaté dans cette attestation « les propos des enfants uniquement », sans « constatation, ni bilan complet concernant le suivi et le changement brutal dans la description par les enfants de leur relation avec leur père (...)»

En outre, cet homme indique que dans le cadre d'une requête déposée auprès du juge des enfants, sa fille a adressé un courrier à la psychologue « suite à la demande de cette dernière ». Sa fille lui a dit l'avoir écrite sous la dictée de sa mère. Le demandeur précise avoir tenté à plusieurs reprises de prendre contact avec cette psychologue suite à sa « demande officielle auprès du juge aux affaires familiales d'obtenir la garde des enfants », mais n'avoir reçu « aucune réponse de sa part ».

Le demandeur questionne la CNCDP concernant « le devoir du secret professionnel vis-à-vis de la divulgation de cette attestation dans le cadre de la procédure de divorce avec contentieux concernant la garde des enfants ». Ildemandeégalement si « La psychologue peut […] produire en justice des éléments de cette thérapie, sans avoir rencontré ni informé l'un des deux parents, sachant pertinemment que cette attestation serait utilisée dans le cadre d'une procédure judiciaire? »

Documents joints :

  • Copie de l'écrit de la psychologue.

Posté le 29-10-2014 20:32:09

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2012

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Consentement éclairé
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Respect de la personne
- Responsabilité professionnelle
- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

Au vu de la situation exposée, la Commission traitera des points suivants :

  • Le consentement des détenteurs de l'autorité parentale et l'intérêt de l'enfant,

  • Les modalités de rédaction d’une attestation,

  • La divulgation d'informations écrites et le secret professionnel.

    1. Le consentement des détenteurs de l'autorité parentale et l'intérêt de l'enfant

Dans le contexte d'une procédure de divorce avec droit de visite et d’hébergement, le psychologue doit prendre en compte l'intérêt des enfants concernés. Dans le cas de divorces conflictuels, les enfants peuvent parfois devenir l'objet d'instrumentalisation de la part de leurs parents. Le psychologue, conscient des enjeux complexes qui se jouent dans de telles circonstances, veillera à ne pas se laisser influencer par lesparents.

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Le respect de la législation relative à l’autorité parentale ne dispense pas le psychologue de s'assurer du consentement ou de l’assentimentde l’enfant reçu en entretien, comme le rappellent les articles 9 et 10 du Code de déontologie:

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent […].

Article 10 : Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur.

L’enfant, comme les parents, doit donc être informé par le psychologue des conditions de la consultation et du devenir de ses conclusions :

Article 9 : […]Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions.

L’article 11 introduit une distinction entre quelques consultations ponctuelles et une prise en charge au long cours. Cet article admet que le consentement des détenteurs de l’autorité parentale n’est pas obligatoire pour des rencontres ponctuelles.

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

L’autorité parentale conjointe présuppose un accord entre les parents pour les actes usuels, c'est à dire qui concernent la vie quotidienne ou courante de l'enfant. Par contre les actes non-usuels, à savoir des actes importants, tels qu'une psychothérapie ou un bilan psychologique, nécessitent l’accord des deux parents.

    1. Les modalités de rédaction d'une attestation

La rédaction d’un document écrit par un psychologue nécessite le respect de certaines règles rappelées par l’article 20 du Code.

Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue […] portent […] l'objet de son écrit […]

Si le document est une attestation, alors cet intitulé « attestation » doit apparaitre clairement afin de faciliter l'identification de la nature de l’écrit ainsi que ses particularités. En effet, l’attestation a pour but de témoignerde manière compréhensible des éléments constatés par le psychologue. Elle a pour finalité de permettre à son destinataire de « faire valoir ce que de droit », c'est à dire de faire valoir auprès de toute personne les informations mentionnées sur leditdocument.

En d'autres termes, le destinataire d'une attestation, que le psychologue a jugée, du fait même de la nature de ce document, transmissible à un tiers, peut la remettre à n’importe quelle personne de son choix (avocat, juge, médecin, employeur, etc.)

Le psychologue veillera à y inscrire son nom et son numéro ADELI, la date de l’écrit, sa fonction ainsi que sa signature. Cette signature engage sa responsabilité professionnelle.

Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.

Le psychologue reste attentif aux informations écrites qu’il divulgue dans une attestation. Qu'en est-il de l'attestation et du secret professionnel?

    1. La divulgation d'informations et le secret professionnel

Quelle que soit la nature de l’écrit du psychologue, celui-ci doit veiller au respect du secret professionnel :

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

Principe 1 : Respect des droits de la personne : […]Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel […].

La divulgation d'informations psychologiques destinée aux instances judiciaires a toujours représenté un sujet délicat pour les psychologues.

L’écritured'uneattestation demande, comme nous l’avons vu, une exigence sur la forme, mais aussi une exigence sur le fond, à savoir sur ce qui est écrit et peut être divulgué. Rappelons qu’unefois écrite, l’attestation peut être utilisée selon le bon vouloir du demandeur et qu'elle n'a pas pour but de rapporterdes propos mais plutôt de faire état de constatations du psychologue.

Concernant la divulgation d'informations relatives à un suivi au long cours, le psychologue doit savoir rendre compte de ce qui relève del’intérêt de la personne, à condition de prendre en compte la spécificité du tiers auquel il s'adresse.

S'il s'adresse à un juge, dans un contexte de procédure de divorce avec désaccord des parents concernant le droit de visite et d’hébergement des enfants, le psychologue devra alors uniquement transmettre les informations utiles à la protection et à l'intérêt des enfants concernés et reçus dans le cadre d'un suivi psychologique, comme c'est le cas dans la situation exposée par le demandeur.

Enfin, le psychologue doit veiller au traitement équitable des parties en présence.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire SILVESTRE TOUSSAINT

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