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Une personne sollicite l’avis de la commission à propos d’une expertise psychologique réalisée dans le cadre d’une procédure judiciaire et relative à la  réforme du droit de visite et d’hébergement de son enfant.
Cette personne explique avoir divorcé « à l’amiable » du père de sa fille il y a trois ans et avoir opté en accord avec son ex-conjoint pour une garde alternée. Cette modalité n’a cependant jamais été mise en place, la fillette résidant principalement chez sa mère, sans que cela soit par ailleurs « remis en question par l’un ou l’autre » des parents.
Au début de l’année, la demandeuse a obtenu une mutation professionnelle dans une région géographiquement très éloignée de son domicile actuel et informé le père de son projet. Celui-ci s’opposant au départ de l'enfant, et demandant la mise en place effective de la garde alternée, elle a saisi le juge aux affaires familiales, qui a ordonné une expertise psychologique.
Le rapport concluant par un avis défavorable au projet de départ de la mère et par une préconisation de garde alternée, la demandeuse a renoncé à sa mutation et sollicité un délai supplémentaire « pour étudier la question » de ce nouveau mode de garde.
En désaccord avec certains éléments de contenu du rapport écrit mais également avec la méthode utilisée par le psychologue lors de l’entretien avec elle, la demandeuse émet « de sérieuses réserves quant au respect du code de déontologie de la part de l’expert psychologue désigné par le JAF ».
Se référant à plusieurs articles du code de déontologie dont elle cite des extraits, elle souligne notamment :

  • Un manque d’équité entre son ex-mari et elle-même, tant dans les modalités d'entretien que dans la rédaction du rapport : elle a le sentiment d'un parti-pris du psychologue (expert) pour son ex-mari, qu’elle argumente notamment à partir de l’emploi fréquent du mode conditionnel dans la partie du document la concernant, « tendant à rendre douteux mes propos », alors que l’indicatif présent est privilégié pour son ex-conjoint ;
  • Des conclusions fondées sur des éléments anciens et confidentiels de son histoire et sans lien avec l'objet de l'expertise. La demandeuse dit avoir été « déstabilisée par l'acuité des questions » portant sur tous les aspects de sa vie, y compris les plus intimes et les plus anciens. Elle s'est « appliquée » à y répondre sans détours, bien qu'elle n'ait eu « aucune vision claire de ce que l'expert cherchait ». Elle estime ne pas avoir été correctement informée des modalités et des objectifs de ces entretiens et regrette de ne pas avoir su alors que « nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même » (extrait du premier principe du code de Déontologie des Psychologues) ;
  •  Elle s'étonne enfin que le Quotient Intellectuel de son enfant, évalué par l'expert au test de La Dame de Fay ne corresponde pas à celui établi antérieurement par un autre psychologue.

Consciente du caractère consultatif de la commission, la demandeuse souhaite avoir un éclairage sur ses analyses, indiquant que si elles se trouvaient validées, « cela mettrait du baume sur les blessures morales qu’un tel rapport n’a pas manqué d’ouvrir ».

Document joint :

  • Copie du rapport d’expertise psychologique
Posté le 17-12-2010 12:42:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Autonomie professionnelle
- Responsabilité professionnelle
- Respect du but assigné
- Traitement équitable des parties
- Information sur la démarche professionnelle
- Consentement éclairé
- Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
- Secret professionnel (Contenu des entretiens / des séances de groupe)

Au regard des différents aspects soulevés par cette demande, la Commission se centrera sur l’explicitation des grands principes qui peuvent guider un travail d’expertise. Elle traitera ainsi des quatre points suivants :

  • La contestation des conclusions d'un psychologue 
  • Les notions de  confidentialité et de  respect de la vie privée.
  • La question de l'information préalable et du consentement des personnes évaluées
  • La question du Quotient intellectuel (QI)

La contestation des conclusions d'un psychologue

Il est toujours possible de contester les conclusions d'un psychologue, ce qui doit conduire l'intéressé à demander une contre-évaluation ou une contre-expertise. Comme l'énonce l'article 19 du Code de Déontologie, le psychologue « est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations », et l'article 9 lui fait obligation d'en informer l'intéressé : « le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation ».
Cependant, contester les conclusions d'un psychologue ne doit pas systématiquement conduire l'intéressé à dénoncer des manquements à la déontologie de sa profession. Toute évaluation, fût-elle scientifiquement valide et déontologiquement conforme, comporte en effet une marge d'erreur dont l'évaluateur doit être conscient et l'intéressé, informé. C'est bien ce qu'affirment les articles 19 et 9 cités.

Les notions de confidentialité et de respect de la vie privée.

Le psychologue, s'il est qualifié et s'estime compétent à remplir la mission qui lui a été confiée, est libre du choix de ses méthodes et en assume la responsabilité. Cela fait partie des principes fondamentaux de l'exercice professionnel, comme l'énonce le Titre I-3 du Code :
Titre I-3 / Responsabilité
« (...) Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. (...) »

Il peut ainsi être amené à procéder à des entretiens très approfondis avec les  intéressés, s'il le juge nécessaire dans le cadre de sa mission. Toutefois, le fait que le psychologue aborde de multiples aspects d’un parcours personnel au moyen de techniques d’entretiens diverses ou utilise certains tests, ne signifie pas pour autant qu’il doive retranscrire l’intégralité de ses observations et analyses dans son rapport écrit.
C'est bien ici toute la question de la confidentialité qui se trouve posée. Elle  l'est de manière particulièrement aiguë dans le cas de rapports destinés à un tiers, ici le juge. Dans ces contextes, le psychologue est particulièrement sollicité dans sa capacité de discernement, vertu fondamentale rappelée dans l'introduction aux Principes généraux du Code : « Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement, dans l'observance des grands principes (...) ».
Dans le cadre d'une expertise judiciaire, il s'agit principalement du Titre I‑6 :
Titre I-6 / Respect du but assigné
« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers. »

Le psychologue est guidé dans son discernement par les articles 9 et 12 du Code, notamment dans leurs énoncés suivants :
Article 9 - (…) Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
Article 12 - Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. (...) Lorsque [l]es conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

La question de l'information préalable et du consentement des personnes évaluées

Comme toute évaluation psychologique, un travail d’expertise répond à des motifs précis et vise des objectifs définis, qui sont explicités à la personne concernée. Cette information préalable conditionne  le consentement de celle-ci  à l’examen et aux différents moyens d’investigation proposés. Le principe du consentement est fondamental pour le respect des droits des personnes, comme l'édicte le Titre I-1 des principes généraux et l'explicite l'article 9 :
Titre I-1/ Respect des droits de la personne
Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s’adresser directement et librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention (…)
Dans son rapport, le psychologue mentionne habituellement le fait que la personne a été dûment informée des objectifs et des modalités de l'évaluation. Dans le cas d'une expertise judiciaire, les intéressés sont généralement doublement informés sur ce point, par le juge et le psychologue lui-même.

La question du QI

La question de la demandeuse renvoie à celle de la validité des techniques utilisées par les psychologues dans leurs évaluations. Le Code est très clair à ce sujet dans les Titres I-2 et I-5 et l’article 18  :
Titre I-2/ Compétence
Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-5/ Qualité scientifique
Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Article 18 - Les techniques utilisées par le psychologue pour l'évaluation, à des fins directes de diagnostic d'orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées.

La Commission tient ici à souligner la dernière phrase du Titre I-5 qui établit qu'un résultat, quel qu'il soit, n'est pas inscrit dans le marbre et doit pouvoir faire l'objet d'un éventuel débat contradictoire.

 

Avis rendu le 10 janvier 2009
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-1, I-2, I-3, I, 5, I-6 ; articles 9, 12, 18, 19.

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Avis 08-19.doc

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