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RESUME DE LA DEMANDE

La demandeuse sollicite la Commission à propos de la validité d’un écrit – qu’elle nomme « attestation » – rédigé par une psychologue ayant suivi son ex-compagnon. Ce document est produit devant un Tribunal de Grande Instance (TGI), la demandeuse estimant qu’il aurait été utilisé « en vue d’une contestation de paternité ».

En effet, la demandeuse est opposée à son ex-compagnon concernant la paternité de son enfant, déplorant par ailleurs que cet homme prenne « appui tout particulièrement » sur ce document en vue d’induire une réponse favorable à sa cause.

Précisant que seul son ex-compagnon aurait été accompagné par la psychologue pendant quelques mois, la demandeuse qualifie l’écrit de « parfaitement mensonger et diffamatoire », lorsque la psychologue indique avoir reçu la demandeuse et son ex-compagnon. Elle estime que cette dernière fait preuve d’une « absence absolue de discernement et d’éthique » tout comme d’une « volonté de [lui] nuire directement dans une procédure judiciaire ».

La demandeuse interpelle ainsi la Commission pour savoir si la psychologue est en droit d’inscrire dans un écrit le moindre propos relatif à une personne qu’elle n’a pas rencontrée? Par ailleurs, elle souhaite savoir dans quelle mesure l’écrit en question est valide, quand il n’est aucunement fait mention de destinataire, objet ou numéro ADELI ?

Documents joints :

  • Copie d’un document manuscrit, oblitéré du tampon d’un cabinet d’avocats, rédigé par la psychologue qui reçoit l’ex-compagnon de la demandeuse.

  • Copie de messages téléphonique écrits échangés entre la demandeuse et son ex-compagnon.

  • Copie d’un procès-verbal notifiant à l’ex-compagnon un rappel à la loi.

  • Copie d’un procès-verbal d’une plainte déposée par la mère de la demandeuse au nom de cette dernière à l’encontre de l’ex-compagnon de sa fille.

  • Copie d’un document rédigé par la demandeuse constituant une annexe à la plainte déposée par sa mère.

  • Copie d’une déclaration de main courant déposée par la demandeuse.

  • Copie d’un procès-verbal d’audition de l’ex-compagnon de la demandeuse.

Posté le 20-12-2020 15:28:01

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2019

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Discernement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Les écrits du psychologue : prudence, discernement et rigueur

Les écrits du psychologue : rigueur, prudence et discernement

Quelle que soit la nature d’un document produit par un psychologue, sa rédaction, tant dans sa forme que dans son fond, engage sa responsabilité professionnelle. Ceci est en adéquation avec le Principe 3 du code de déontologie :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Dans ce cadre, le psychologue s’assure que les documents qu’il rédige respecte les recommandations précisées dans l’article 20 du Code :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

Au vu des éléments transmis par la demandeuse, la Commission ne peut se prononcer sur le bien-fondé ou non de la production d’un tel écrit par la psychologue. Toutefois, comme le relève la demandeuse, ce document manuscrit ne comporte ni titre pour l’introduire, ni objet. De plus, si la psychologue est bien identifiée, dans l’en-tête, par son nom, son prénom, sa fonction et l’adresse associée à cette dernière, le numéro ADELI est absent.

Ce que la demandeuse nomme, pour sa part, « attestation » nécessite que sa nature soit précisée. Une attestation est en effet un écrit visant à rendre compte qu’une personne a bien honoré des rendez-vous, la fréquence à laquelle ceux-ci l’ont été, ou bien encore la durée de l’accompagnement. Manifestement, l’écrit de la psychologue ayant suivi l’ex-compagnon de la demandeuse va bien au-delà de ces seuls éléments. Il apparaît donc difficile, pour la Commission, de le considérer comme une simple attestation.

La Commission rappelle ici combien le psychologue doit faire preuve de rigueur, invitant celui-ci à la prudence dans tout écrit. Ceci est mentionné dans le Principe 4, complété de l’article 25 :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

La psychologue a ici engagé un avis professionnel sur la base de ce qu’elle a compris de la problématique et du discours de son patient, tout en proposant de rendre compte d’éléments concernant la demandeuse qu’elle n’a pourtant jamais reçue dans le cadre d’entretiens. Le Code précise, à cet égard, au travers de l’article 13, les limites de ses évaluations et avis :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner ».

Ainsi, si la demandeuse est légitimement fondée à vouloir contester le fond du propos tenu par la psychologue la concernant, rien ne remet en question le fait que l’écrit mentionne des éléments relatifs à sa personne. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que toute intervention d’un psychologue doit se faire dans le respect de la dimension psychique des personnes, comme cela est posé en frontispice du Code et dans l’article 2 :

Frontispice

« Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. »

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. »

La Commission rappelle également ce qu’énonce le Principe 2 et qui vaut pour toute forme d’intervention :

Principe 2 :  

« Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Dans le cas présent et de manière générale, la Commission n’est pas compétente pour interférer dans une procédure judiciaire en cours. Enfin, il paraît opportun de rappeler la nécessité pour tout psychologue, dans l’exercice de ses fonctions, de viser à ne pas se départir des principes déontologiques du Code. Rigueur, prudence et discernement doivent être préservés pour servir au mieux les enjeux de la relation entre un psychologue et la personne qu’il reçoit.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

 

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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