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RESUME DE LA DEMANDE

Le demandeur est père d’un adolescent de 14 ans. Il est en instance de divorce depuis 4 ans. Il sollicite la Commission à propos d’un compte rendu d’évaluation psychologique, établi il y a un peu plus d’une année, par une psychologue consultée par la mère et son fils sans qu’il en soit informé. Ce compte rendu a été produit en justice par son ex-épouse. Le demandeur estime que la psychologue a « bafoué » plusieurs principes et avis du code de déontologie en acceptant de le rédiger. Plus particulièrement, il interroge la Commission sur le manque de prudence et sur la partialité de cette dernière dans la rédaction de son écrit. Il questionne le fait qu’elle n’ait pas sollicité son consentement avant son intervention et qu’elle n’ait pas pu le rencontrer.

Documents joints :

  • Copie du « compte rendu psychologique » de l’adolescent rédigé par la psychologue et portant tampon d’un cabinet d’avocats.
  • Copie de trois courriels échangés entre le demandeur et la psychologue.
  • Copie de quatre courriels échangés entre le demandeur et le syndicat national des psychologues.
Posté le 09-05-2020 15:25:23

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Code de déontologie
Précisions :

Questions déontologiques associées :

- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Compétence professionnelle (Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
- Autonomie professionnelle
- Impartialité
- Discernement

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

La Commission se propose de traiter le point suivant :

  • Les écrits du psychologue dans un contexte de divorce conflictuel : consentement, prudence et impartialité.

 

Les écrits du psychologue dans un contexte de divorce conflictuel : consentement, prudence et impartialité.

Le psychologue peut être amené à rédiger des documents divers, tels que ceux dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien encore « expertises ». Quel que soit le cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle, comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Quelle qu’en soit la dénomination, la rédaction d’un document par un psychologue doit par ailleurs répondre à des règles énoncées dans l’article 20.

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

A l’examen des documents joints, la Commission constate que ces éléments d’identification sont bien mentionnés sur le compte-rendu psychologique. En outre, dans un contexte de divorce, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un écrit à la demande de celui-ci, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17.

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ».

Dans le cas présent, il semble que le consentement du père n’ait pas été recherché avant la réalisation du bilan psychologique de l’adolescent, ce qui peut contrevenir à l’article 11 du Code. En outre, le document rédigé semble ne pas tenir compte des recommandations de l’article 13 dans la mesure où la psychologue met en cause le comportement du père à l’encontre de son fils en s’appuyant exclusivement sur les propos de l’adolescent.

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux ».

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner ».

La rédaction du « compte rendu psychologique » parait également ne pas tenir compte des articles 23 et 25 du Code dans la mesure où en écrivant que « l’obligation dans laquelle se trouve » l’adolescent « de se présenter chez son père est délétère pour son équilibre personnel », la psychologue manque de prudence et de mise en perspective critique de ses appréciations concernant le père qu’elle n’a pas rencontré.

Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ».

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

La Commission a estimé que la psychologue aurait dû faire preuve de davantage de mesure, de discernement et d’impartialité comme l’y invite le Principe 2.

Principe 2 : Compétence

« … Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Un an après la rédaction du compte rendu, le père demande un rendez-vous à la psychologue pour lui-même, semble-t-il avec pour objectif de « pouvoir renouer le dialogue avec son fils ». Elle lui signale qu’elle a quitté le département et lui propose de s’adresser à un autre psychologue. Cette réponse s’appuie sur une partie de l’article 6 :

Article 6 : « …il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. »

En conclusion, la Commission invite les psychologues à la plus grande prudence dans leurs interventions et dans la rédaction de leurs écrits, notamment dans un cadre conflictuel.

Pour la CNCDP

La Présidente,

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

Télécharger l'avis

Avis 18-30.pdf

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