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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le demandeur sollicite la Commission au sujet de la pratique d’une psychologue exerçant en libéral et qui a suivi les deux enfants de celui-ci, âgés de 8 et 12 ans, deux ans environ après la séparation parentale et à la demande de la mère.

Suite à la séparation, les modalités de résidence et d’hébergement des enfants ont été définies en alternance au domicile de chacun des parents. Aujourd’hui, ces derniers en sollicitent respectivement la résidence exclusive.

Le demandeur précise que ses enfants ont été suivis par une première psychologue durant dix mois, à la suite de quoi, la mère aurait décidé qu’ils seraient suivis par une autre psychologue. Le demandeur, informé de ce changement, a rencontré cette nouvelle professionnelle avec qui il aurait convenu qu’il recevrait de sa part, ainsi que son ex-épouse un « compte rendu de chaque rendez-vous avec les enfants ».

Quelques mois plus tard, n’ayant pas reçu le compte rendu de la dernière séance, le demandeur sollicite la psychologue par courriel afin de l’obtenir ainsi que des conseils. Celle-ci lui propose alors un rendez-vous. Dans l’intervalle, il prend connaissance de courriels puis de l’existence d’« un bilan » rédigé par cette psychologue, qui aurait été transmis uniquement à son ex-épouse et que cette dernière a produit en justice. Il questionne alors le contenu du « bilan » qui prendrait selon lui appui sur des éléments insuffisamment recontextualisés, l’accusant d’impliquer les enfants dans le conflit parental. Il trouve cet écrit « édifiant » et sans recul, dans lequel le demandeur est qualifié de « très angoissé, rigide et procédurier » et son ex-épouse décrite comme « apeurée » à son contact. Par ailleurs, le demandeur indique avoir repris contact avec la psychologue précédemment consultée à la demande des enfants qui se seraient plaints de l’actuelle psychologue qui « répétait leurs propos à leur mère ».

Le demandeur questionne ainsi la Commission sur la pratique de cette psychologue et plus précisément sur la conformité à la déontologie du contenu de ses différents écrits.

Documents joints (tous visés par des tampons d’avocat) :

  • Copie de trois courriels de la psychologue à la mère des enfants
  • Copie d’échanges de courriels entre le demandeur et la psychologue
  • Copie d‘un courriel adressé à la psychologue par le demandeur
  • Copie du « compte rendu de situation » adressé par la psychologue à la mère des enfants
Posté le 30-03-2020 11:32:32

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Respect du but assigné
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

La Commission se propose de traiter les deux points suivants :

  • Principes déontologiques dans la prise en charge d’enfants mineurs à l’initiative d’un parent : prudence et respect du but assigné.
  • Les écrits du psychologue dans un contexte de séparation parentale : respect du secret professionnel et impartialité.
  1. Principes déontologiques dans la prise en charge d’enfants mineurs à l’initiative d’un parent : prudence et respect du but assigné.

Les interventions d’un psychologue auprès d’enfants mineurs sont encadrées par plusieurs principes et articles du code de déontologie. Ainsi, l’article 11 invite le praticien à recueillir l’accord de l’enfant, mais également le consentement des détenteurs de l’autorité parentale.

Article 11 : « L’évaluation, l’observation, ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposées par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux. »

Cette recommandation fondamentale, inscrite dès le premier Principe du code de déontologie, se précise dans l’article 9 :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue […] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées…Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu à révéler quoi que ce soit sur lui-même »

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Le psychologue est particulièrement vigilant lorsqu’il est amené à intervenir à la demande d’un seul parent, qui plus est dans un contexte de séparation parentale ou de procédure judiciaire en cours. Toute demande est accueillie avec prudence, mesure, discernement et impartialité, comme cela est rappelé dans le Principe 2 du Code :

Principe 2 : Compétence                                      

« […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Après avoir évalué la façon de répondre à une telle demande, le psychologue veille à expliciter clairement les modalités et le but assigné à ses éventuelles interventions, comme cela est précisé dans les Principes 4 et 6 :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ».

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

Ici, la seconde psychologue a accepté de recevoir les deux enfants pour une prise en charge initialement demandée par la mère. Il n’est cependant pas clairement précisé si les enfants ont été reçus individuellement ou conjointement durant ce suivi, ce qui n’a pas manqué d’interroger la Commission.

Les entretiens initiaux entre cette psychologue et la mère, puis avec le père étaient supposés venir préciser le cadre et les modalités de la prise en charge proposée d’une part, et les raisons ayant amené la mère à solliciter une autre psychologue, d’autre part. Après étude des pièces jointes, aucune information ne permet de savoir si ce dernier point a fait l’objet d’un échange explicite et préalable entre les parents et la psychologue.

Or, en toute circonstance, le psychologue veille à intervenir dans l’intérêt de ses patients et en cohérence avec les articles 2 et 31 :

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. »

Article 31 : « Lorsque plusieurs psychologues interviennent dans un même lieu professionnel ou auprès de la même personne, ils se concertent pour préciser le cadre et l'articulation de leurs interventions ».

Dans le cas présent, en informant préalablement les enfants et les parents, la seconde psychologue aurait certainement pu faire le choix de prendre contact directement avec la première psychologue, si elle en avait connaissance, afin d’ajuster son intervention en accord avec les enfants et les parents.

De plus, si le psychologue est autonome dans le choix de ses méthodes, au sens du Principe 3, il l’est aussi dans les modalités de transmission d’informations à des tiers.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule… ».

En revanche, il respecte le principe que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même, tel que cela est précisé dans le Principe 1, déjà cité. Ici, le fait que la psychologue ait pu accéder à la demande parentale de faire un retour de chaque séance auprès des enfants a interpellé la Commission. Cela a probablement fragilisé son intervention au regard du contexte parental conflictuel mais aussi vis-à-vis du cadre confidentiel dû aux enfants. La Commission rappelle à ce titre que chaque praticien doit évaluer le bien-fondé d’une demande, y compris parentale, et circonscrire les éventuelles limites imposées par le cadre déontologique dans l’intérêt des personnes qu’il reçoit.

  1. Les écrits du psychologue dans un contexte de séparation parentale : respect du secret professionnel et impartialité.

L’exercice professionnel du psychologue peut inclure la rédaction d’écrits à la demande de tierces personnes. Bien qu’il soit a priori le « praticien de la parole », la production d’écrits dans sa pratique est devenue de plus en plus sollicitée et engage, comme l’indique le Principe 3 déjà cité, sa responsabilité professionnelle.

Les écrits du psychologue doivent respecter un certain nombre de caractéristiques formelles synthétisées dans l’article 20 du Code :

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature […] ».

Dans le cas présent, l’écrit à propos duquel le père questionne la Commission comporte bien les éléments attendus. Par contre, l’objet et le destinataire de l’écrit sont absents. Or, quand un psychologue reçoit un des parents dans un contexte de conflit et qu’il accepte de rédiger un document à sa seule demande, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la possible diffusion de son texte à des tiers comme le rappelle l’article 17 :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci ».

Le contenu du courrier soumis à la Commission a été diffusé en dehors du cadre familial bien qu’il n’y ait mention d’aucun destinataire. Il comporte un certain nombre de faits que la psychologue n’a pu observer par elle-même. Le demandeur indique qu’il a découvert cet écrit qui comporte des éléments d’ordre psychologique le concernant lorsqu’il a été produit en justice, sans accord ni information préalable. Ce document manque en tout état de cause de rigueur, de prudence et d’impartialité, ce qui contrevient au Principe 2 déjà cité, ainsi qu’à l’article 7 rappelant les obligations concernant le secret professionnel qui s’imposent au psychologue quel que soit son cadre d’exercice :

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice ».

Au-delà des aspects factuels décrivant la chronologie de la prise en charge, le document apparait exclusivement à charge contre le père et insiste à diverses reprises sur le fait qu’il « implique les enfants dans le conflit parental », ce qui contrevient également aux préconisations des articles 23 et 25 du Code.

Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ».

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

Enfin, il aurait été souhaitable que la psychologue privilégie, comme l’y invite l’article 27 du Code, la rencontre effective avec le père au lieu d’échanges téléphoniques et par courriels. Selon l’article 16, elle aurait été plus à même dans ce cadre de lui restituer son avis sur la situation des deux enfants.

Article 27 : « Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée ».

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

En conclusion, la Commission ne peut que recommander une nouvelle fois aux psychologues d’observer rigueur, prudence et impartialité dans leurs interventions et également dans la rédaction de leurs écrits.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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Avis_18-29.pdf

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