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La demande porte sur deux écrits rédigés par deux psychologues différentes, qui ont été sollicitées par l’ex-mari de la demandeuse dans le cadre d’un conflit conjugal.

La demandeuse met en cause leurs contenus et souhaite pour cette raison « porter plainte » auprès de la Commission.

Elle questionne également la déontologie des pratiques professionnelles de ces psychologues.

La première psychologue a suivi une des belles-filles (fille de l’ex-mari) de la demandeuse, puis la demandeuse et enfin le couple avant sa séparation. Elle a également reçu pour un entretien, la fille du couple après que le divorce ait été prononcé. La seconde psychologue a suivi les deux belles-filles de la demandeuse, alors adolescentes, avant et après la séparation du couple.

La demandeuse interroge la Commission sur le manque de précaution dans les deux écrits. Elle reproche plus particulièrement aux psychologues de qualifier de façon négative les relations entretenues avec ses belles-filles. De plus, une des psychologues a évoqué le fait que les enfants « auraient eu peur » de leur belle-mère, qui « aurait été violente envers eux » sans que « ces agissements » ne soient pour autant signalés aux autorités compétentes.

Elle reproche également à l'une des psychologues:

- d'avoir rompu le secret professionnel et la confidentialité notamment en faisant part d’un diagnostic psychopathologique « à [son] mari à [son] insu »,

- d'avoir reçu plusieurs membres d’une même famille et sa fille sans son accord, étant de plus prise ainsi dans « un conflit d’intérêt » et  manquant donc à son devoir d’impartialité.

Documents joints :

- Copie de l’écrit de la première psychologue, adressé à l'ex-mari de la demandeuse,

- Copie de l’écrit de la deuxième psychologue, adressé à l'ex-mari de la demandeuse.

Posté le 28-06-2016 00:36:53

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2015

Demandeur :
Particulier (Patient)

Contexte :
Procédure judiciaire entre époux

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
- Impartialité
- Respect de la loi commune
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

Comme rappelé dans l'encadré ci-dessus, la commission nationale consultative de déontologie des psychologues n'est pas une instance juridique auprès de laquelle la demandeuse pourrait porter plainte. Son but est d’apporter un éclairage sur les questions déontologiques liées à l'exercice de la profession.

A la lecture de la demande, la Commission propose de traiter les points suivants :

- Prise en charge des membres d’une famille dans un contexte de séparation parentale et autorisation parentale,

- Précaution, impartialité et secret professionnel dans la rédaction d’écrits,

- Notion de protection des personnes.

1. Prises en charge au sein d'une famille, cas particulier des enfants dans le contexte de séparation parentale et autorisation parentale :

La demandeuse évoque la notion de conflit d’intérêts dans la situation présentée, en faisant référence au fait que la psychologue qui la suivait habituellement a reçu pour un entretien, sans l'en informer, sa propre fille afin d'évoquer avec elle la situation familiale.

L'article 18 du code de déontologie fait référence à la situation de conflit d’intérêts dans le cas où le psychologue est lié personnellement à une personne qu'il reçoit, ce qui n'est pas le cas dans la situation décrite :

Article 18 : Le psychologue n'engage pas d'intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflit d’intérêts, le psychologue a l'obligation de se récuser.

L'obligation du consentement parental n'est pas attendue de façon systématique pour un seul entretien avec un enfant. Cette obligation, citée dans l'article 11 du Code, s'applique essentiellement pour les suivis au long cours. D'un point de vue déontologique, l'accord parental conjoint peut donc être discuté selon le contexte et la nature de l'entretien, voire selon l’âge de l'enfant.

Article 11 : L'évaluation, l'observation et le suivi au long cours auprès de mineurs […] requièrent, outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

La Commission rappelle également que, d'une façon générale, un psychologue peut recevoir un mineur à sa demande, après avoir analysé la situation de celui-ci :

Article 10 :  Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Cependant, dans le contexte décrit par la demandeuse, la finalité de cet entretien gagne à être clairement explicitée à l'enfant par le psychologue :

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent […]. Il a donc l'obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention […].

Dans la situation présentée, le psychologue veille à différencier ce qui peut être dit au cours de l'entretien afin d'aider l'enfant dans la situation familiale de ce qu'il a à préserver concernant l’intimité de sa patiente habituelle, ici la mère de l'enfant.

Pour cela, il se réfère à l'article 7, portant sur l'obligation de respect du secret professionnel :

Article 7 : Les obligations concernant le secret professionnel s'imposent quel que soit le cadre d'exercice.

L'obligation de confidentialité portant sur le contenu du suivi de la mère doit être comprise ici comme une des limites auxquelles est tenu le psychologue.

2. Précaution, impartialité  et secret professionnel dans la rédaction d’écrits

            Lorsqu’une demande de rédaction d'écrits est formulée auprès d’un psychologue, il doit mener une réflexion sur le contexte de la demande qui lui est faite. Il s’interroge sur la pertinence d'y donner suite et sur les conséquences possibles du choix qu'il fera pour tous les protagonistes. En effet, cette responsabilité professionnelle est précisée en introduction des Principes Généraux et dans le Principe 3 du Code :

[Introduction aux Principes généraux]

La complexité des situations psychologiques s'oppose à l'application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […]

Principe 3: Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiques et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule.

 

En répondant favorablement à la demande d’écrit de l’ex-mari de la demandeuse, les psychologues ont fait le choix de rapporter essentiellement des éléments évoqués par les enfants du couple (fille et belles-filles) au cours de leurs suivis. Elles ont qualifié le type de relation entretenue entre les enfants et la demandeuse selon le ressenti exprimé par les enfants.

Lorsqu'un psychologue transmet des éléments psychologiques concernant les relations d'un enfant avec les adultes qui en ont la charge, il doit prendre en considération le fait que l’enfant ne peut pas toujours mesurer la portée ni les conséquences que pourraient avoir ses propos sur des décisions le concernant.

Comme il est indiqué dans le Principe 2 du Code, le psychologue doit faire preuve de prudence et d'impartialité dans ses écrits. En rapportant des faits énoncés sans mise en perspective critique des éléments obtenus au cours des suivis effectués auprès des personnes qui l'ont consulté, le psychologue s’expose au reproche d’impartialité.

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

 

Le psychologue doit également prendre en considération le fait que ce document sera probablement produit en justice, et doit veiller à respecter le but qui lui est assigné comme le rappelle le Principe 6 du Code :

 

Principe 6 : Respect du but assigné

[…] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

 

Par ailleurs, la demandeuse s’étonne du fait qu’une des psychologues a transmis des informations sur son état psychique à son ex-mari sans l’en informer. Nous rappelons que la pratique du psychologue est soumise au secret professionnel :

Article 7 : Les obligations concernant le secret professionnel s'imposent quel que soit le cadre d'exercice.

Le secret professionnel est un élément de pratique du psychologue qui permet d'instaurer une relation de confiance entre le psychologue et la personne qui sait que ses propos resteront confidentiels. De fait, lorsqu'il transmet des informations à un tiers, le psychologue doit au minimum en informer la personne concernée :

Article 17 : (...) La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci.

3. La notion de protection des personnes

La demandeuse évoque le fait que la notion de violence relationnelle dans le cadre familial a été mentionnée dans les écrits, sans qu'une information préoccupante n’ait été adressée aux autorités compétentes.

Le psychologue a en effet une responsabilité professionnelle, qui porte entre autre sur l'obligation de protection des personnes dans le cadre de son exercice.

Principe 1 : Respect des droits des personnes

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et plus spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection […].

Il est précisé dans l'article 19 du Code que, tout en tenant compte de la législation en vigueur, le psychologue évalue la conduite à tenir, et donc au préalable la situation à laquelle il est confronté, afin de prendre les mesures les plus appropriées à celle-ci.

Article 19 : Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou de celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril […].

Ainsi le psychologue prendra en compte le contexte et les éléments recueillis. Un signalement n’est pas toujours l’option la plus favorable à la résolution d’une situation de crise. Le psychologue peut être amené à proposer une prise en charge familiale ou une séparation momentanée des personnes, par exemple. Il n'existe pas réellement de réponse univoque à une situation donnée dans un contexte de violence, qui serait celle d'un signalement. C'est l'esprit de l'introduction aux Principes Généraux du Code (déjà citée) :

La complexité des situations psychologiques s'oppose à l'application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […]

Pour la CNCDP

La Présidente

Sandrine SCHOENENBERGER

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avis 15-05.doc

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