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Le requérant est en instance de divorce. Des procédures judiciaires sont en cours concernant notamment la garde des trois enfants, âgés de 2, 3 et 5 ans. Le requérant accuse une psychologue  de «porter à [son] encontre de graves accusations de violence » qui mettraient les enfants en danger, dans «une attestation établi[e]  à la demande de..., avocat, ....dans l’intérêt de [son] épouse». Il ressort de cette attestation que l’avocat avait adressé Mme… à cette psychologue, lui «demandant son opinion sur l’éventualité de confier la garde des enfants à leur père». Cette psychologue transmettra avec «l’autorisation de Mme...», «son appréciation de la situation» en précisant ses démarches professionnelles : elle reçoit «depuis plusieurs semaines....régulièrement (à raison de trois séances hebdomadaires) Mme ...ainsi que chacun de ses trois enfants». Par contre, le requérant indique que cette psychologue ne l’a « jamais rencontré ». Il demande  à la CNCDP si «le comportement de cette psychologue est conforme aux dispositions du code de déontologie des psychologues».

Pièce jointe : - photocopie du fax d’un courrier de la psychologue à l’avocat. Ce document porte deux cachets  d’avocats.

Posté le 07-01-2011 17:19:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2005

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Information sur la démarche professionnelle
- Respect du but assigné
- Mission (Distinction des missions)
- Traitement équitable des parties
- Signalement
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)

En regard du code de déontologie des psychologues et de la présentation que fait le requérant de la démarche professionnelle d’une psychologue, la commission abordera trois points :
- L’analyse de la demande,
- Le but assigné,
- La notion de danger.

1 – L’analyse de la demande
L’avocat « adresse » une mère et ses trois jeunes enfants à une psychologue et lui demande explicitement son « opinion » sur l’éventualité de confier la garde des enfants à leur père. La psychologue souscrit à cette demande et  prend la mère et les enfants en suivi thérapeutique pendant plusieurs semaines. Si la demande de l’avocat semble claire, celle de la mère et des enfants n’est pas précisée. L’article 11 du Code de déontologie des Psychologues indique que << le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme, ou d’aliénation d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours à ses services>>..
Cet article souligne que le psychologue ne peut faire l’économie de l’analyse de la demande initiale, en différenciant les différents niveaux de réponse possibles, ainsi que leurs enjeux. Article 19 : << Le psychologue est averti du caractère relatif des ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence >>.
Un psychologue peut-il répondre à une demande d’un avocat, autrement dit d’une partie dans le cadre d’une démarche judiciaire, qui prend la forme d’une demande d’expertise pour mieux assurer un argumentaire ? De fait, la psychologue fait état d’une demande «d’opinion » de l’avocat. La notion d’opinion est étrangère au code de déontologie des psychologues : la pratique professionnelle du psychologue ne peut conduire qu’à des conclusions et à la transmission d’évaluations comme le précise l’article 12 : << Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et des outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires.
Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire>>.
Ainsi, le code de déontologie des psychologues exige une démarche professionnelle rigoureuse dans l’accueil des consultants.

2 - Le but assigné :
<<Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seuls seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers >>. ( Titre I.6).
Dans ce cadre, la commission fera les deux observations suivantes :
2.1 – La distinction des missions
Lorsque le psychologue reçoit plusieurs personnes, ici une mère et trois jeunes enfants, il lui revient de reconnaître chacune de ces personnes dans son altérité propre,  de distinguer les actes professionnels possibles et donc ses missions suivant les personnes. Il peut éventuellement faire appel à un autre collègue s’il estime que cette distinction l’exige. L’article 4 précise : <<Le psychologue… peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels>>.

2.2 – Le traitement équitable des parties
La psychologue évalue « l’équilibre psychologique familial » sans faire état d’une quelconque tentative de rencontre avec le père. A ce propos, la commission rappelle l’article 9 : << Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même.
Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. Dans les situations de recherche, il les informe de leur droit à s’en retirer à tout moment. Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves>>.
La commission a déjà recommandé, dans de précédents avis, l’extension de l’obligation de traiter « de façon équitable avec chacune des parties »  à toutes les situations d’évaluation.
En tout état de cause, une contre-évaluation demeure un droit du requérant.

3 - La notion de danger :
La psychologue évoque explicitement « un réel danger » puis « l’intérêt vital des enfants ». Si son évaluation conduit  à mettre en évidence un risque de cet ordre, elle doit en saisir les autorités compétentes comme le stipule l’article 13 : << Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune.
 Conformément aux dispositions de la loi pénale en matière de non assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la loi toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes>>.

 

Paris, le 25 février 2006
pour la CNCDP
Jean CAMUS
Président

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Avis 05-12.doc

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