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Le requérant est en instance de divorce. Depuis trois ans, il travaille dans un pays lointain, et depuis un an et demi son ex-femme invoquerait une phobie de l'avion chez leur fille de neuf ans - dont la mère a la garde - " pour empêcher " que l'enfant ne vienne passer ses vacances chez lui. La fillette est déjà venue quatre fois auparavant. Une psychologue voit l'enfant en thérapie " suite à un certificat médical " que le requérant conteste et qualifie de "complaisant ". A sa propre initiative le requérant a rencontré la psychologue, qui l'a reçu en présence de l'enfant, et il a été " étonné de ses réponses à [ses] questions. " Elle aurait indiqué qu'il faudrait peut-être faire appel à un autre thérapeute.

Le requérant s'est renseigné auprès des médecins et psychologues " afin d'avoir un avis éclairé ". Il a également consulté le Code de Déontologie. A la suite de ces investigations, il lui apparaît que la thérapie comportementale que suit sa fille " ne sert à rien dans ce type de phobie ". De plus, selon ses dires, la psychologue n'aurait pas respecté la déontologie, notamment les articles 9, 10, 12 et 19 du Code (cités par lui):

- " en ne demandant pas à [le] rencontrer avant de commencer cette thérapie."
- " en n'expliquant pas la méthode utilisée et en ne présentant pas les objectifs à atteindre " lors de l'entretien sollicité par lui.
- " en délivrant un certificat interdisant à ma fille de prendre l'avion, et donc de voir son père normalement. "
- " en ne faisant passer aucun test à l'enfant pour cerner son problème. "

Il interroge la commission sur ces points et il lui demande " d'intervenir " pour que :

- " un bilan étayé et argumenté soit établi "
- " que cesse cette thérapie qu'[il n'est] pas loin de qualifier de commerciale "
- " que la psychologue ne délivre plus de certificat médical dont l'objectif serait de participer à une démarche maternelle d'exclusion du père. "

Le requérant demande à la Commission de lui répondre par l'intermédiaire de son avocat en France.
Il joint à sa lettre le compte-rendu qu'il a rédigé de l'entretien avec la psychologue.

Posté le 07-01-2011 16:52:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2002

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Traitement équitable des parties
- Information sur la démarche professionnelle
- Confraternité entre psychologues
- Autonomie professionnelle
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)

En préalable, la Commission rappelle qu’il n’est pas dans ses attributions d’intervenir auprès des personnes mises en cause.

Par ailleurs certaines questions du requérant qui portent sur des points d’ordre technique – ainsi, par exemple, la nécessité de tests et de bilan, l’efficacité des thérapies comportementales sur les phobies d’un certain type– relèvent d’une expertise technique qui n’est pas du ressort de la Commission.

Enfin, la Commission ne peut se prononcer sur un certificat « médical » cité par le requérant, mais sur lequel elle n’a aucun élément lui permettant d’établir l’existence d’un manquement au Code des psychologues, soit sur la forme, soit sur le fond.

La Commission a retenu trois points qui concernent le respect des règles de déontologie par la psychologue :

1) L’absence de rencontre avec le père préalable à la thérapie de l’enfant
2) Les informations données au père
3) L’absence de tests et la responsabilité professionnelle du psychologue.

1) L’absence de rencontre avec le père en préalable à la thérapie de l’enfant

L’article 10 du Code de déontologie des psychologues indique que « Lorsque la consultation pour les mineurs (…) est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale. » Mais par ailleurs ce même article lui recommande de « tenir compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur.»

En ce cas, il se peut que des éléments de la situation particulière de l’enfant aient pu être apprécié par la psychologue, à partir d’éléments dont la Commission ne dispose pas, pour qu’elle assume ce qui est indiqué à l’Article 3 comme sa mission fondamentale : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. ». Si tel est le cas, l’accord du seul parent gardien pouvait éventuellement suffire à assurer à l’enfant une prise en compte de sa personne dans sa dimension psychique, en engageant un soin destiné à lui permettre de surmonter une phobie l’empêchant de visiter son père.
Dans toutes les situations de conflit parental autour d’un enfant, par extension de l’Article 9, la Commission estime que s’applique le principe d’équité. L’Article 9 indique que : « Dans les situations d’expertise judiciaire le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties. » Dans le cas présent, rien, dans les éléments fournis par le requérant, ne permet de considérer que la psychologue, en entreprenant cette thérapie, a pris parti de façon inéquitable.

2) Les informations données au père

Le Code recommande une information par le psychologue sur les méthodes et les objectifs de son intervention (Article 9) et de ses conclusions : « Le psychologue fait état des méthodes et outils sur lesquels il fonde ses conclusions et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs de manière à préserver le secret professionnel. » (Article 12).

Dans ce cas précis et en nous référant aux affirmations du requérant, on constate que la psychologue n’a vu le père qu’en présence de l’enfant, ce qui atteste de son respect du processus engagé avec cette enfant. Mais cette information donnée en la présence de l’enfant suppose une retenue qui est nécessaire au respect de la vie psychique de l’enfant. La nécessité de cette retenue, adaptée à l’enfant, a peut-être gêné la communication entre le père et la psychologue.

Notons que la psychologue aurait, selon lui, indiqué au père qu’il se pourrait que l’enfant doive être suivi par un autre thérapeute. Ceci est tout à fait conforme à l’Article 23 qui indique que « Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s’il estime qu’ils sont plus à même que lui de répondre à une demande. »

3) La responsabilité professionnelle du psychologue sur les aspects techniques (tests, arrêt de la thérapie)

La Commission rappelle que le psychologue a la libre appréciation des méthodes qu’il juge les plus appropriées et qu’il a l’entière responsabilité de ses choix : « Dans le cadre de ses compétences professionnelles le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. » (Titre I.3).

L’Article 6 précise la nécessité d’une indépendance technique : « Il [le psychologue] fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique.»
a) En n’ayant pas fait passer de tests à l’enfant, la psychologue a exercé sa responsabilité professionnelle d’une manière qui ne contrevient pas au Code de déontologie. En effet on ne peut imposer à un psychologue un bilan qui corresponde exactement aux souhaits du tiers qui en fait la demande, fut-ce le parent de l’enfant concerné.

b) S’agissant de l’arrêt de la thérapie, il est de la responsabilité de la psychologue qui l’a mise en place d’y mettre un terme dans le respect de la personne dans sa dimension psychique.

Enfin, la Commission rappelle au requérant qu’il a la possibilité de demander lui-même un bilan pour sa fille à un praticien de son choix.

Fait à Paris, le 30 Novembre 2002
Pour la CNCDP,
Le Président
Vincent ROGARD

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Avis 02-23.doc

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