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Le requérant, en instance de divorce et père de 2 enfants, a été accusé par sa femme d’abus sexuels sur leur fille âgée alors de 4 ans. Il indique que cette accusation a été portée  quelques jours après qu’il a annoncé à son épouse son intention de divorcer.   Il s’est toujours inscrit en faux  contre  cette  accusation.
Une instruction pénale, diligentée à la  suite de cette dénonciation, est close depuis quelques mois et « à ce jour, la juridiction pénale n’a toujours pas rendu de décision».
Par ailleurs, les deux époux s’opposent « dans une procédure civile de divorce pour faute mutuelle » et l’épouse du requérant fait l’objet d’un procès civil «pour non-respect du droit de visite et d’hébergement des grands-parents paternels ».
Une psychologue, « choisie unilatéralement par la mère » et  non mandatée par la justice, a rédigé deux certificats dont les conclusions  déconseillent  clairement les rencontres des enfants avec leurs grands-parents paternels. Le requérant « s’interroge inévitablement sur la nature complaisante » de ces écrits. La psychologue n’aurait jamais cherché à  rencontrer le requérant pour entendre sa version des faits.
Le requérant  reproche principalement à la psychologue de ne remettre aucunement  en cause les accusations portées contre lui et d’avoir  violé le secret professionnel  en envoyant directement son premier certificat  au grand-père paternel, sans que lui-même en ait été prévenu. Il pense que la psychologue
- «  a,  [ selon lui], violé des principes fondamentaux : celui du respect de la présomption d’innocence et celui de la dignité humaine, ce qui est contraire aux dispositions légales en vigueur »
- « viole par ailleurs le Code de Déontologie des Psychologues et la Charte Européenne des Psychologues »  dont le requérant cite certains articles.
Le requérant « requiert [notre] avis sur la délivrance et la nature attentatoire de ces deux certificats ». 

Pièces jointes  
- Copie de l’enveloppe adressée au père du requérant à qui la psychologue  a transmis son
premier certificat.
- Premier certificat de la psychologue
- Deuxième certificat, établi 9 mois après et évaluant l’évolution des enfants.

Posté le 30-11-2010 12:17:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2005

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
- Signalement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Responsabilité professionnelle
- Information sur la démarche professionnelle
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)

Le rôle de la Commission est d’apprécier si, au vu des écrits produits, la psychologue a respecté le code de déontologie de sa profession. La Commission n’a pas pour mission de se prononcer sur la véracité des faits dont est accusé le requérant
La Commission traitera les points suivants :
-  le respect du secret professionnel
-  la forme et le contenu des deux écrits de la psychologue
- le caractère relatif de toute évaluation

1) Le respect du secret professionnel
Si la psychologue a envoyé, de sa propre initiative, le premier certificat aux parents du requérant, et sans l’accord de celui-ci, elle a  violé le secret professionnel et gravement porté atteinte à la dignité du requérant comme le stipule le principe  du titre I-1 du Code de Déontologie des Psychologues: << Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées…. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues…. >>
Si la psychologue estimait être délivrée de l’obligation du secret professionnel eu égard aux dangers encourus par les enfants en étant reçus chez leurs grands-parents paternels, elle aurait pu faire valoir l’article 13 du code : <<… conformément  aux dispositions de la loi légale en matière de non-assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la loi, toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes… >>. En ce cas, la démarche d’alerter directement les grands-parents n’était donc pas adéquate.

2)  La forme et le contenu des deux écrits de la psychologue 
La Commission s’interroge sur les différences qu’elle relève entre les deux  écrits de la psychologue, l’un et l’autre n’appelant pas  la même analyse.

Dans son premier écrit, la psychologue ne précise ni l’âge des enfants, ni l’objectif de son intervention auprès d’eux, ni le cadre méthodologique de ce travail.  Les termes qu’elle utilise sont  suffisamment imprécis pour qu’il soit impossible de saisir la nature de son intervention auprès des deux enfants. Ainsi, dans ce contexte, la psychologue n’a pas respecté le principe du titre I-5 du Code de déontologie des psychologues << les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faite l’objet d’une explication raisonnée de leurs  fondements théoriques et de leur construction >>.

Dans la mesure où ne sont pas non plus indiqués le demandeur ni le destinataire auquel la psychologue s’adresserait, la commission se demande si cette imprécision n’a pas été souhaitée par la psychologue elle-même. La commission rappelle donc que, comme le stipule l’article 14, la psychologue aurait dû préciser le destinataire de son écrit et l’objectif de son intervention : << Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention du destinataire >>.
Dans son second écrit la psychologue indique clairement le demandeur (la mère des enfants) et la mission qu’elle s’est fixée : « évaluer l’état psychologique » des enfants et «  faire un compte rendu des observations qu’[elle] pourrai[t] faire sur leur état ». Elle rapporte certains propos des enfants,  fait  état du déroulement de la séance, explique la méthode qu’elle choisit pour faciliter leur expression, argumente la notion de « fragilité » qui lui semble contre-indiquer le rapprochement avec les grands-parents paternels. En ce sens, elle respecte l’article 12 du Code :<< Le psychologue est seul responsable de ses conclusions.  Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel…>>. Mais la Commission rappelle aussi l’intégralité de cet article en insistant sur les exigences de l'information que les usagers sont en droit t’attendre. << Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires .
Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire >>.

3) le caractère relatif de toute évaluation
La Commission note que le rôle de la mère est  connoté positivement et que le rôle de père du requérant est plus chargé négativement sans qu’il ait été rencontré, sans qu’aucune décision judiciaire n’ait été prononcée. La Commission rappelle l’article 19 << Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. IL ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence >>.
Fait à Paris, le 28 mai 2005
Pour la CNCDP
Jean Camus, Président

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Avis 05-01.doc

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