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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse est divorcée et mère de deux enfants. Elle est à nouveau en couple et enceinte (d’un troisième enfant). Elle sollicite la Commission à propos des pratiques d’une psychologue qui a reçu sa fille âgée de 10 ans, suite à divers symptômes, dont un refus récurrent de se rendre à l’école. Le médecin généraliste avait évoqué « une éventuelle situation de harcèlement ». Elle pense avoir la confirmation de cette hypothèse, au second rendez-vous avec la psychologue, lorsque cette dernière confie à l’enfant/la jeune fille un livre sur le sujet.

Cet épisode a été, par la suite, intégré à une requête initiée par la mère auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF) dont l’objet visait à obtenir la possibilité de changer la fillette d’établissement scolaire, démarche à laquelle le père était opposé.

La demandeuse évoque la complexité du contexte familial qui va au-delà de la question du harcèlement et relate la manière dont la psychologue a procédé pour rencontrer le père, en présence de leur fille et de leur fils âgé de 6 ans. Elle indique, dans ce cadre, avoir parallèlement amorcé pour elle-même un suivi avec cette même psychologue. 

À l’appui de sa demande, elle transmet à la Commission la transcription d’échanges verbaux avec la psychologue, enregistrés lors du second rendez-vous, au cours duquel la professionnelle lui aurait fait grief de ne pas avoir obtenu son autorisation pour qu’elle photocopie et transmette au JAF un extrait du livre prêté à l’enfant. A travers les propos retranscrits, la psychologue exprime son impression d’avoir été manipulée. Elle cherche à obtenir le retrait de l’extrait transmis à l’appui de la requête. Par ailleurs, suite à un nouveau rendez-vous de sa fille, la demandeuse constate que la psychologue a pratiqué « une séance sous hypnose » avec l’enfant, sans lui avoir demandé son autorisation.

Elle souhaite obtenir l’avis de la Commission sur les diverses interventions de cette psychologue : avoir prononcé le mot de « harcèlement », avoir reçu les enfants en présence de leur père alors qu’ils avaient exprimé leur peur de parler devant lui, avoir utilisé l’hypnose sur sa fille sans accord préalable.

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Posté le 05-04-2021 14:15:22

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2019

Demandeur :
Particulier (Patient)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Consultation

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue, Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
- Consentement éclairé
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter le point suivant :

  • Modalités d’intervention du psychologue dans le contexte d’une procédure judiciaire entre parents.

Modalités d’intervention du psychologue dans le contexte d’une procédure judiciaire entre parents.

De manière générale, le psychologue doit se montrer vigilant et plus particulièrement quand il reçoit l’enfant de parents divorcés, afin de déterminer le but assigné à son intervention et d’en expliciter les contours aux intéressés comme l’article 9 du Code l’y invite :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

S’agissant de mineurs, il cherche à recueillir l’accord des deux parents comme l’article 11 le préconise :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Le psychologue s’appuie sur ses compétences et sur sa formation, comme le rappelle le Principe 2, pour choisir les modalités de ses interventions en étant conscient de ses responsabilités comme le pose le Principe 3 :

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- de la réactualisation régulière de ses connaissances ;

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

S’il conçoit son intervention en toute autonomie, il est néanmoins averti des possibles conséquences de ses actes, comme de ses paroles, comme le suppose le Principe 4 :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Dans la situation présente, la demandeuse aurait, dès le premier rendez-vous, indiqué le désaccord du père quant au changement d’école de leur fille et avoir amorcé des démarches auprès du tribunal dans ce sens, ce qui aurait dû alerter la psychologue et la conduire à différer son avis. Le fait de prêter à l’enfant un livre faisant explicitement référence à des situations de harcèlement, s’il visait pour la psychologue, à servir de support pour évaluer si l’enfant en était victime, semble avoir laisser penser à cette mère que l’hypothèse faite par le médecin était correcte.

Devant la complexité de la situation familiale qui transparaît de plus en plus au fil des séances, la psychologue a invité dans la consultation la mère et le jeune frère âgé de six ans, puis a décidé d’entendre le père en présence des deux enfants. Cette initiative a déplacé le motif initial de la consultation en prenant en compte la dynamique familiale, sans que l’on sache si tous ont donné leur consentement et si cela a été explicité. Si l’accord des deux parents pour intervenir auprès des mineurs a été recherché, comme le recommande l’article 11, déjà cité, ce dispositif de consultation familiale pouvait apparaître soutenable et conforme au Principe 6 du Code :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans cette situation, les suites de cette consultation sont apparues nettement plus confuses aux yeux de la Commission qui s’est interrogée sur la manière dont la mère s’est engagée dans un suivi individuel pour elle-même avec cette même psychologue. Cela questionne la cohérence des interventions et du dispositif. En effet, elle a fait le choix d’enregistrer leur « deuxième séance » et de poursuivre en parallèle des rendez-vous entre cette psychologue et sa fille, ce qui interroge sur le degré de confiance réciproque. Cette superposition d’interventions est apparue porteuse de risques de dérives et de malentendus pour l’ensemble des protagonistes.

Si le psychologue peut remplir différentes fonctions, il est de sa responsabilité de les expliciter et de les faire distinguer comme le Principe 3, déjà cité, le mentionne. L’orientation vers des professionnels distincts est souvent indiquée dans ces cas complexes, comme les articles 5 et 6 du Code le suggèrent :

Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences. »

Article 6 : « Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. »

Le verbatim de la psychologue, tel qu’il est transcrit par la demandeuse, semble confirmer la difficulté à rendre compréhensible son positionnement aux yeux de cette mère au sens de l’article 16 :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

Enfin, la Commission observe que le recours à l’hypnose, utilisable par un psychologue dûment formé à cette technique, a néanmoins à être explicitement accepté par un patient même mineur et aussi par ses représentants légaux, afin de rester conforme au Principe 1 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« […]. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

La Commission attire l’attention des psychologues sur la nécessaire explicitation de leurs modes d’intervention ainsi que sur l’importance que les conclusions adressées à leurs patients soient compréhensibles.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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