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La demandeuse sollicite l'avis de la Commission au sujet de sa pratique professionnelle au sein d'un service où elle exerce en tant que psychologue dans le cadre de la protection de l'enfance. 

La psychologue réalise en collaboration avec une équipe pluridisciplinaire des mesures judiciaires d'investigation éducative. A l'issue de l'analyse de la situation et d’une première rencontre avec le travailleur social, le protocole de son service prévoit que la demandeuse rencontre une fois chaque membre de la famille.

Dans certains cas, elle souligne que les parents ne répondent pas aux rendez-vous proposés par le service. Il leur est alors notifié par écrit que la mesure se déroulera sans leur collaboration et que le travailleur social rencontrera leur enfant dans le cadre scolaire.

La demandeuse pense qu'elle « se trouve dans une situation délicate » et questionne la Commission au sujet de deux points :

- Comment peut-elle « répondre au but assigné qui est la demande du juge des enfants et respecter l'assentiment des parents […] lorsque le parent ne collabore pas à la mesure ? ».

- Est-elle « déontologiquement et éthiquement professionnelle si [elle] intervient auprès de l'enfant par un entretien individuel dans l'établissement scolaire, après avoir prévenu les parents de cette rencontre par courrier compte tenu de [sa] mission ? ».

Pièce jointe :

  • Copie du bulletin officiel du ministère de la justice concernant la note du 23 mars 2015 relative à la mesure judiciaire d'investigation éducative.
Posté le 27-09-2017 18:56:55

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2016

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Autonomie professionnelle
- Discernement
- Spécificité professionnelle
- Respect du but assigné

A la lecture de la demande et de la pièce jointe, la Commission traitera des points suivants :

  1. Aspects déontologiques de la mission du psychologue intervenant dans un cadre de contrainte,
  2. Spécificités et limites du travail du psychologue intervenant dans un cadre de contrainte : prudence, rigueur et discernement. 

 

1. Aspects déontologiques de la mission du psychologue intervenant dans un cadre de contrainte. 

Dans le cadre d’une mesure judiciaire d’investigation éducative ordonnée par un  juge, le psychologue doit recueillir des éléments de compréhension concernant la situation du jeune et de sa famille en évaluant l'état psychique actuel de l'enfant et de son entourage, et en analysant les interactions familiales. Il intervient donc dans un cadre de contrainte et doit s'assurer de respecter chaque personne dans sa dimension psychique, comme le préconise le Code.

 Article 12 : "Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet".

Afin de répondre aux attentes du juge, dans la situation présentée dans cette demande, la psychologue propose un entretien individuel à chacun des membres de la famille. Par la suite, comme il s'agit d’un travail pluridisciplinaire, à partir des informations recueillies, chaque professionnel confronte ses analyses afin de rendre compte de la complexité des problématiques et de faire émerger des hypothèses de travail. 

Dans la situation présentée, la psychologue se demande si elle respecte le but assigné à son intervention, à savoir éclairer le juge sur le fonctionnement familial, dans le cas où la famille refuse de se rendre aux rendez-vous alors que les membres y sont contraints. La Commission estime qu’en l’absence de la famille aux entretiens, la psychologue se confronte aux limites de son travail et doit donc en informer le juge dans son écrit. Ce dernier décide alors, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, des suites à donner en fonction de la situation familiale. Ainsi, la psychologue, en rendant compte au juge de son impossibilité de rencontrer l’ensemble de la famille, comme le prévoit le protocole de son service et le cadre légal, respecte le Principe 6 cité ci-dessous :  

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » 

Lorsque le psychologue intervient dans un cadre de contrainte, il prend d’autant plus la précaution d’obtenir le consentement des personnes et d’expliquer aux familles le cadre de son intervention, les modalités et les limites de son travail, sans oublier de mentionner qu'un rapport sera rédigé à l'attention du juge des enfants ou du juge d’instruction en fonction de la situation. 

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Dans cette situation, la psychologue veille à recueillir l’assentiment des parents afin de favoriser le travail d’évaluation qui va suivre et les informe de la transmission au juge d’un rapport conclusif et de propositions éducatives. 

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission a un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci ».

 

  1. Spécificités et limites du travail du psychologue intervenant dans un cadre de contrainte : prudence, rigueur et discernement. 

Un protocole a été établi au sein du service où intervient la demandeuse. Il prévoit que le travailleur social rencontre l'enfant dans le milieu scolaire si les parents ne veulent pas collaborer à la mesure d’investigation. La famille est alors informée de cette rencontre par courrier. Le protocole du service exige aussi que le psychologue rencontre au moins une fois chaque membre de la famille. 

Le psychologue, quel que soit sa mission et son cadre d’intervention, reste pleinement autonome dans le choix de ses outils et modalités d'intervention et engage sa responsabilité. Dans le cas rapporté par la demandeuse, la Commission rappelle que chaque protocole doit être étudié et analysé au regard des Principes 2 et 3 afin de promouvoir le respect de la dimension psychique de l’enfant et ce d’autant plus si ces missions s’exercent dans un cadre de contrainte.  

Principe 2 : Compétence

« Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. […]".

Le psychologue pourra expliciter les raisons de ses choix et faire preuve de discernement dans l’intérêt de l’enfant. Il conviendra d’expliquer à son employeur pourquoi la spécificité de son intervention ne permet pas d'utiliser un protocole commun ou d’en proposer des évolutions afin que ce dernier puisse lui garantir, dans chaque situation qu’il œuvre dans l’intérêt de l’enfant, comme le rappelle le Frontispice du Code et le Principe 4. 

"Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues".

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Il lui incombe également, en tant que psychologue, de faire respecter  sa spécificité et le choix des méthodes utilisées, comme l’indique l’article 4.

Article 4 : "Qu’il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celle des autres professionnels". 

La Commission rappelle que quelles que soient les situations, les actions doivent être guidées par l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

 

Pour la  CNCDP

La Présidente

Catherine MARTIN

 

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avis 16-10 AI.pdf

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