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Dans un contexte de séparation parentale, le demandeur saisit la Commission au sujet d'une attestation rédigée par une psychologue exerçant en libéral sur un formulaire pré-formalisé par un avocat. Le jugement final a déjà été rendu, fixant la résidence des deux enfants chez la mère, avec un week-end sur deux chez le père ainsi que la moitié des congés scolaires. Le demandeur estime que « le juge dans ses conclusions a puisé beaucoup d'éléments dans cette attestation pour (le) qualifier de père à l'influence psycho négative ».  

La psychologue a reçu en consultations les deux enfants, âgés de huit et onze ans, avec leur mère, sans que le père en ait été informé ni en ait donné son accord. Le demandeur précise que le contenu de l'attestation le rend responsable  « des maux de ses enfants » et contient des faits rapportés par la mère, portant sur son comportement qualifié d'agressif, et repris dans l'écrit comme des faits constatés. La psychologue n'a cependant jamais rencontré le père des enfants.

Peu de temps après, le demandeur consulte pour ses enfants un psychiatre en Centre Médico Psychologique pour enfants, qui « ne met en évidence aucun trouble des enfants ». 

Le demandeur interroge la Commission sur le droit de la psychologue sollicitée par la mère à fournir « contre rémunération » un tel écrit, et ce « sans qu'aucun magistrat ne lui en fait la demande ». Il questionne également sur le fait qu'elle n'ait pas demandé son accord pour recevoir les enfants alors qu'il a l'autorité parentale. Il souhaite que la Commission lui indique « le détail des abus de (cette psychologue) et les conséquences de ces actes » ainsi que les « articles du code civil ou pénal devraient lui permettre de (s') opposer à cette attestation dans le respect de (sa) dignité et de (ses) droits.» 

Documents joints :

- Copie de l'attestation fournie à la mère par la psychologue, pré-formalisée par l'avocat.

- Copie des dossiers patients des deux enfants remplis par le psychiatre du Centre Médico-Psychologique pour enfants consulté par le père.

 

Posté le 27-09-2017 18:45:52

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2016

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Impartialité
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Consentement éclairé
- Discernement
- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
- Respect de la personne
- Respect du but assigné

Au vu du courrier du demandeur et des pièces jointes, la Commission traitera les points suivants :

1. Consentement des deux parents, rigueur et impartialité,

2. Rédaction et objectif d'une attestation, respect du but assigné.

1. Consentement des deux parents, rigueur et impartialité.

D'un point de vue déontologique, le consentement éclairé des deux parents est préférable pour une évaluation ou un suivi au long cours par un psychologue, comme stipulé dans l'article 11 du Code :

Article 11 : « L'évaluation, l'observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés par la loi proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux ».

Le consentement qualifié d'éclairé signifie que, dans la mesure du possible, chacun des détenteurs de l'autorité parentale est informé des modalités de prise en charge proposées par le psychologue, ainsi que de la finalité de celles-ci. 

La psychologue pouvait donc chercher à rencontrer ou, au minimum, à informer  le deuxième parent, ce qui lui aurait permis également de mieux comprendre la situation familiale. En effet, un enfant est en raison de son immaturité, particulièrement sensible au contexte dans lequel il vit. Aussi, le psychologue se doit d'être particulièrement attentif à l'intérêt de l'enfant.

Article 2 : « [...] Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte ». 

Ces modalités et finalités de rencontre sont explicitées à l'enfant lui-même, de façon adaptée et en fonction de son niveau de compréhension. Cette information à l'enfant est nécessaire, le psychologue se référant ici au Principe 1 du Code, portant sur le respect des droits de la personne.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision [...] »

Le psychologue qui reçoit un enfant dans un contexte de conflit parental lors d’une séparation, se doit d’être particulièrement vigilant quant aux demandes qui lui sont adressées par un seul des parents. L'analyse de la situation familiale dans laquelle se trouve alors l'enfant s'impose. Elle demande au psychologue rigueur et discernement. 

Principe 2 : Compétence

 « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». 

Dans le cas présent, la psychologue a été sollicitée uniquement par la mère, avec la  demande d'établir une attestation portant sur l'état psychique des enfants. Une telle demande aurait dû l'inciter à la plus grande prudence. 

Le psychologue, pour différentes raisons, peut aussi refuser d'accéder à une demande, notamment celle de rédiger une attestation.

 

 2 . Rédaction et objectif d’une attestation, respect du but assigné.

Les écrits des psychologues peuvent être de plusieurs natures. Dans le cas présent, il s’agit d’une attestation, sur papier vraisemblablement fourni par l’avocate qui y a apposé son cachet, et remis à la mère. La rédaction de l’attestation est laissée à la seule responsabilité du psychologue, en conscience et discernement. 

Principe 3 : Responsabilité et autonomie.

"Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. […]"

Cependant, il ne peut rendre compte que des situations qu’il a analysées dans le cadre de ses consultations. Dans le cas présent la psychologue, sans en citer la source, s’est appuyée sur les propos de la mère. 

Article 13 : "[…] Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même".

C’est au psychologue qu’appartient la décision de répondre à la demande de rédiger un tel document et de le remettre en main propre à l’intéressé. Il est responsable de son contenu et doit se préoccuper de l’usage qui va en être fait.

Principe 2 : Compétence

"[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité".

Article 17 : "Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci ".

En rédigeant cette attestation, la psychologue savait à qui cet écrit était destiné et connaissant le contexte conflictuel. Elle aurait dû prendre en compte les conséquences de son écrit sur l’ensemble des membres de la famille.

Le psychologue doit être en mesure d’expliciter ses choix méthodologiques et d’argumenter les conclusions de ses analyses. Si du fait de son analyse de la situation, la psychologue était parvenue à formuler l’hypothèse de comportements potentiellement agressifs vis-à-vis des enfants, il convenait d’entrer en contact avec la personne concernée et de l'informer, le cas échéant, de ce qui allait être rapporté.

Principe 6 : Respect du but assigné

"Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers".

Par ailleurs le père reproche à la psychologue d’avoir établi cette attestation car contrainte par le paiement de sa consultation. Si le paiement d’honoraires pour une consultation est un rapport établi de professionnel à consultant, il n’est pas incompatible avec la rédaction d’une attestation. Cependant, le psychologue n’a pas d’obligation d’y répondre favorablement.

Principe 2 : Compétence

"[…] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience [...]"

Le demandeur souhaite que la Commission l’informe sur les articles du Code civil ou pénal qui lui permettraient de s’opposer à cette attestation.

La Commission rappelle son rôle consultatif au regard du code de déontologie des psychologues et uniquement dans ce cadre précis. Elle n’a pas vocation ou mission à renseigner sur les possibilités de défense offertes par les Codes civil ou pénal.

 

 

Pour la CNCDP

La Présidente

Catherine Martin

 

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Avis 16-08 AI.pdf

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