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Depuis la naissance de leur enfant, la demandeuse est en procédure judiciaire avec le père au sujet du mode de garde. Elle met en cause deux attestations rédigées dans un intervalle de quatre ans par une psychologue qui suit le père depuis plusieurs années et qui ont été communiquées au Juge aux affaires familiales. Ces attestations portent sur la capacité du père à assurer son rôle de parent.

La mère interroge la Commission au sujet d'éléments la concernant rapportés par le père et mentionnés dans les écrits de la psychologue, qui ne l’a jamais reçue et par conséquent « n’a pas eu accès aux deux opinions ». Elle estime que le Conseil de l'Ordre des médecins considèrerait ces affirmations « comme une intrusion dans sa vie privée » et ne voit pas « pourquoi une psychologue échapperait à ces règles ».

Par ailleurs, la psychologue attestant « que le père est tout à fait capable d'assurer l'exercice de sa parentalité », selon les termes repris par la demandeuse, celle-ci conteste qu'une telle affirmation puisse être formulée sans une observation prolongée des relations parent-enfant.

Enfin, la demandeuse termine sa lettre à la Commission en demandant « une sanction à l'égard de cette psychologue et le retrait de ces deux certificats du dossier du tribunal ».

Documents joints :

  • Copie de deux attestations rédigées par la psychologue assurant le suivi psychologique du père

  • Copie du courrier envoyé au Juge des enfants par la pédopsychiatre qui suit l’enfant.

Posté le 19-12-2015 11:18:24

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2014

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Compétence professionnelle
- Écrits psychologiques
- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle
- Spécificité professionnelle

A la lecture de la demande, la Commission se propose de traiter les points suivants :

- La spécificité de la profession de psychologue,

- Les modalités de rédaction d’une attestation,

-Sur quoi sont fondées les appréciations des psychologues ?

La spécificité de la profession de psychologue

A plusieurs reprises, la demandeuse se réfère au Conseil de l’Ordre des médecins pour étayer sa critique vis-à-vis des écrits de la psychologue. Elle oppose aussi la lettre d’un pédopsychiatre aux attestations de la psychologue.

Soulignons ici l'importance pour les psychologues de veiller à faire connaître et reconnaître la spécificité de leur profession, le Code de déontologie est un instrument de cette volonté.

Article 4 : Qu'il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels.

Le psychologue n'étant pas médecin, les préconisations, émanant de médecins ou de l’Ordre dont ils sont membres, ne sauraient être considérées comme des normes permettant d’évaluer les conduites professionnelles des psychologues. En dehors de la loi commune et des règlementations professionnelles spécifiques, le code de déontologie des psychologues est seul destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue.

Ainsi est-il stipulé en préambule du Code :

L'usage professionnel du titre de psychologue est défini par l'article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 complété par l'article 57 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 qui fait obligation aux psychologues de s'inscrire sur les listes ADELI.

Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue, quels que soient leur mode et leur cadre d’exercice, y compris leurs activités d'enseignement et de recherche. (...) Le respect de ces règles protège le public des mésusages de la psychologie et l'utilisation de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie.

Dans le prolongement de cette mise au point, rappelons aussi que la CNCDP n’est pas l’équivalent d’un Conseil de l’Ordre dont les psychologues ne se sont pas dotés. En conséquence, elle n’a pas le pouvoir de sanctionner, ni de faire retirer des attestations versées au dossier d’une procédure judiciaire.

Les modalités de rédaction d’une attestation.

La Commission souhaite préciser ici les règles déontologiques émises dans le Code au sujet des attestations, ce qui ne signifie pas nécessairement que les attestations mises en cause par la demandeuse s’éloignent de ces règles.

La demandeuse fait part de son étonnement au sujet « des commentaires » rédigés par la psychologue à son sujet alors qu'elle n'a jamais été reçue en entretien.

Si un psychologue rédige une attestation à la demande d’une personne qu’il a reçue en consultation, il doit préciser dans ses écrits, si ce qu’il relate provient de l’examen personnel d’une situation ou s’il s’agit d’éléments qui lui ont été rapportés.

Néanmoins, le psychologue a le devoir, tout particulièrement dans le cadre d’un conflit parental au sujet de la garde d’un enfant, de faire preuve de prudence et de discernement dans la rédaction d’une telle attestation car il a à tenir compte de l’intérêt de l’enfant :

Principe 6 : Respect du but assigné

(…) En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

De plus, il doit souligner le caractère relatif de ses observations :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Les précautions utilisées par le psychologue lorsqu'il est amené à évoquer des éléments au sujet de personnes non rencontrées permettent à la fois d'éviter des écueils liés à des affirmations erronnées, mais aussi de respecter la dimension psychique des personnes, considéré dans le Code comme étant la mission fondamentale du psychologue.

Article 2 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte.

Sur quoi sont fondées les appréciations des psychologues ?

La demandeuse met en cause l'avis de la psychologue concernant la capacité du père à assurer son rôle parental. Selon elle, une telle affirmation n’est pas recevable de la part de la psychologue dès lors qu’elle n’a pas observé les relations entre le père et l’enfant. La critique porte sur le choix des modes d’intervention. Au nom du principe de rigueur, il est affirmé dans le Code que les modalités d’intervention des psychologues doivent pouvoir être interrogées.

Principe 4 : Rigueur

Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Un psychologue dispose de compétences et qualités scientifiques acquises durant sa formation initiale et continue, à partir desquelles il choisit la méthode d’évaluation et le modèle théorique sous-jacent qu’il estime le mieux à même de l’aider à apprécier la situation présentée.

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; […]

Il élabore ses avis et évaluations dans sa relation avec les personnes concernées, rencontre régie par des règles précises qui en constituent le cadre.

Dans la distinction que propose le Code entre avis et évaluation, la rencontre avec la personne est un critère essentiel.

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même.

Dans la situation présentée, c’est sur la base d’un suivi de plusieurs années que la psychologue émet son appréciation sur la capacité du père à assurer son rôle de parent. Elle le fait avec les moyens qui sont ceux des psychologues, dont l’article 3 du Code décrit la variété :

Article 3 : Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien.

En fonction de sa formation et de son expérience professionnelle, le psychologue a le choix des modalités techniques de ses interventions : c‘est un corollaire de son autonomie. Il assume la responsabilité de ce choix et des avis et interprétations qui en résulteront.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule.[…]

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

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