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Le père d'un enfant de 4 ans sollicite la CNCDP à propos d'un document qu'il nomme "rapport d'expertise", rédigé par un psychologue à la demande de la mère de l'enfant "afin de tenter de s'opposer à [sa] demande de garde alternée". Il demande un avis sur ce rapport car il s'étonne d'y voir apparaître "à plusieurs reprises" des "affirmations sur [son] compte sans jamais avoir été entendu". Il indique qu'il n'a pas de commentaire à faire "sur l'étude de [son] enfant" dans la mesure où il n'est pas un spécialiste du domaine. Il précise qu'il est "conseillé et soutenu" dans sa démarche auprès de la CNCDP par une "association de papa".

Documents joints :

  1. copie du document rédigé par le psychologue sous le titre "rapport psychologique"
  2. copie d'un échange de courriers entre le psychologue et le père, celui-ci ayant informé celui-là de sa démarche auprès de la CNCDP
Posté le 15-11-2011 16:05:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Abus de pouvoir (Abus de position)
- Traitement équitable des parties
- Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)

Au vu de la situation présentée par le demandeur, la Commission traitera de la question de la distinction entre avis sur une situation et évaluation d'une personne. Elle traitera aussi des différences qu'il y a entre une évaluation réalisée dans un cadre ordinaire et celle réalisée dans une mission d'expertise. Elle terminera en rappelant qu'une évaluation est toujours relative.

La différence entre avis sur une situation et évaluation d'une personne

La commission rappelle qu'il n'entre pas dans sa mission de se prononcer sur un cas particulier ni de juger de la conformité d'un écrit ou d'une intervention donnée d'un psychologue.
Elle ne peut donc pas ici évaluer le bien-fondé du reproche du demandeur à savoir que le psychologue aurait formulé dans son compte rendu des affirmations sur lui sans l'avoir rencontré. La commission développera une réflexion générale à partir de la situation qui lui est exposée.
L'article 9 du code de Déontologie des psychologues, que nous citons un peu plus loin, établit nettement une différence entre "avis sur une situation" et "évaluation d'une personne" et pose que les qualités, compétences, aptitudes ou troubles d'une personne ne peuvent être évaluées par un psychologue que si celui-ci a personnellement rencontré la personne dont il parle. Il peut en revanche donner son avis sur ce qu'il perçoit de la situation et/ou sur la façon dont elle est perçue par l'enfant lui-même et le parent avec lequel il a pu s'entretenir.
Article 9 : (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. (…)
Dans ce cas, le psychologue indiquera clairement ses sources d'information et distinguera les conclusions qu'il tire de ce qu'il a lui-même observé, des hypothèses qu'il peut émettre à partir de ce qui lui a été rapporté. Il se conforme en cela à l'article 12 :
Article 12 : (…) Le psychologue (…) fait état des méthodes et outils sur lesquels il  fonde [ses conclusions]  (…)
Le psychologue pourra donc évoquer le parent absent, évidemment présent dans la tête de l'enfant et du parent qui l'a amené à la consultation, d'ailleurs comment ne le pourrait-il pas ne serait-ce que pour mentionner qu'il ne l'a justement pas rencontré.
Cependant le psychologue sait, de par sa formation, prendre de la distance et garder sa neutralité par rapport aux demandes souvent pressantes et angoissées, parfois implicites, qui sont à l'origine de l'évaluation.
Cela implique qu'il ne prenne pas fait et cause pour la personne qui le consulte, qu'il anticipe les utilisations qui pourraient être faites de son compte rendu, pour éviter le risque d'être instrumentalisé.
C'est bien l'une des situations visées par l'article 11 :
Article 11 : (…) Le psychologue (…) ne répond pas à la demande d'un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d'autorité abusive dans le recours à ses services. (…)

Expertise et évaluation ordinaire

Dans le cadre d'une mission d'expertise ordonnée par un juge aux affaires familiales pour l'éclairer dans une procédure de réforme du droit de visite et d'hébergement d'un enfant, le psychologue a non seulement la possibilité mais l'obligation de s'entretenir avec tous les protagonistes (l'enfant et ses deux parents). Il peut alors se forger une opinion fondée, et faire des recommandations argumentées, sans prendre partie :
Article 9 : (…) Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties (…).
Hors expertise, lorsqu'il est consulté de manière unilatérale par un parent préoccupé par le mode de garde de son enfant, le psychologue prend soin de rester dans le cadre de ce qu'il lui sera possible de faire : s'il ne peut rencontrer que l'un des parents, il n'aura pas les moyens de se faire un avis fondé et éclairé ni sur les qualités parentales de l'autre parent ni, a fortiori, sur le mode de garde de l'enfant.
Rappelons qu'une évaluation privée, effectuée à la demande d'une partie, ne répond pas aux mêmes objectifs qu'une expertise.

La relativité d'une évaluation

Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. (…)
La "valeur" d'une évaluation est fonction de plusieurs paramètres qui sont :

  1. la qualité et l'exhaustivité des informations dont le psychologue dispose,
  2. le caractère scientifiquement fondé des outils et méthodes qu'il utilise,
  3. ainsi que, bien évidemment, sa compétence dans le domaine concerné (c'est-à-dire sa qualification, son expérience et sa capacité à mettre en perspective la demande).

Une évaluation permet au psychologue de formuler un avis et tout avis, fût-il celui d'un "expert", doit pouvoir, si nécessaire, être confirmé. C'est ce que le Code établit dans ce même article 9 :
Article 9 : (…) Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (…)

Si la Commission évoque ici cet aspect, c'est qu'il lui a semblé que bien souvent les personnes qui sont insatisfaites par les analyses et conclusions d'un psychologue, ou qui ont un doute sur leur pertinence, n'envisagent pas de demander une contre-évaluation ou une contre-expertise. Il est possible que les psychologues eux-mêmes n'abordent pas assez souvent ou assez explicitement cet aspect avec leurs clients.

Avis rendu le 23 Juillet 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Articles 9, 11, 12, 19

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Avis 10-06 .doc

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