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La mère d’un petit garçon de 3 ans 4 mois et séparée du père depuis un an, sollicite la Commission à propos d'un compte rendu d'examen psychologique établi par un psychologue à la demande du père, dans le contexte d'une procédure devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour décider de la résidence principale de l'enfant. Cette décision est d'autant plus lourde de conséquences que les parents vivent dans des régions géographiquement très éloignées.
La mère reproche au psychologue de ne pas avoir été avertie de cette consultation ni d'avoir été convoquée "pour au minimum avoir ma version des faits". Elle lui reproche aussi "d'écrire des contre-vérités", dont elle fait une liste en se référant à des passages du compte rendu. Elle se dit "sidérée par les phrases et les mots" que le psychologue prête à son fils et s'étonne qu'il n'ait pas "décelé la manipulation du père" derrière ces propos.
Elle estime que le psychologue a pris indûment position en faveur du maintien de la résidence chez le père et que ses propos ont été "repris par le JAF", qui a considéré que l'enfant était "parfaitement adapté à la vie que son père peut lui offrir".
En post-scriptum, la mère fait état de ses démarches auprès de la DDASS pour vérifier l'inscription du psychologue sur la liste ADELI. Elle précise que celui-ci, qui n'était pas inscrit au moment de l'examen, y a été inscrit depuis, ses diplômes, obtenus antérieurement à l'examen, ayant été dûment authentifiés.

Documents joints :

  • copie du compte rendu de l’examen psychologique
  • copie des courriels échangés avec la DDASS
Posté le 17-12-2010 14:20:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2009

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Respect du but assigné
- Traitement équitable des parties
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)

Dans sa lettre, la mère de l'enfant se plaint de ne pas avoir été avertie de l'évaluation et de ne pas avoir pu donner sa version des faits. La Commission se saisira de ces deux questions, qu'elle développera en trois points :
1/ L'information des intéressés
2/ La notion de contre-évaluation
3/ La distinction des missions

L'information des intéressés

L'article 12 du Code indique dans son deuxième paragraphe que "Les intéressés ont le droit d'obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu'en soient les destinataires".
Dans la situation présentée une mère dit ne pas avoir été informée de la consultation de son fils auprès d'un psychologue et semble n'avoir pris connaissance du compte rendu que dans le cadre de la procédure judiciaire.
La question qui se pose est de savoir si un psychologue qui procède à l'évaluation psychologique d'un enfant à la demande de l'un des parents est tenu d'en informer l'autre parent.
Pour y répondre, il est utile de distinguer entre les notions de "consentement préalable" et d'information.
S'agissant du consentement, la Commission a estimé dans des avis antérieurs qu'une intervention ponctuelle auprès d'un enfant (consultation, examen psychologique) ne nécessitait pas nécessairement le consentement préalable des deux parents, à condition naturellement que le parent qui amène l'enfant déclare jouir de l'autorité parentale (qu'il détient le plus souvent conjointement avec l'autre parent). La jurisprudence a reconnu que le consentement d'un seul parent était acceptable pour tous les actes habituels ou ponctuels, ou en cas d'urgence médicale, chacun des parents disposant de la plénitude de l'autorité parentale.
S'agissant de l'information a posteriori à l'autre parent, la Commission a un avis plus réservé. Elle considère en effet que les deux parents sont directement concernés par l'évaluation de leur enfant et qu'il est dans l'intérêt de celui-ci qu'ils en soient informés. En outre, et notamment dans des situations de conflit manifeste, le parent absent lors de l'évaluation pourra, s'il est informé de l'évaluation, faire procéder à une contre-évaluation, ou, le cas échéant, à une contre-expertise.

La notion de contre-évaluation

La notion de contre-évaluation est mentionnée à l'article 9 du Code :
Article 9. Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (...)
Cet article est la conséquence logique d'un principe fondamental qui encadre la déontologie des psychologues, énoncé dans le Titre I, 5 :
Titre I, 5/ Qualité scientifique - Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire des professionnels entre eux.
En effet, toute évaluation a un caractère relatif, du fait même que l'appréciation du psychologue repose sur les éléments qu'il recueille à un moment donné de l'histoire du sujet et dans un contexte dont il ne maîtrise pas forcément tous les aspects. C'est ce qu'énonce clairement l'article 19 :
Article 19. Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

C'est pourquoi une grande prudence est recommandée lors de la rédaction d'un compte rendu.
Toutefois, la dimension "relative" des évaluations n'implique pas que les conclusions et l’avis d'un psychologue soient invalides ou sujets à caution. Elle indique simplement qu'il peut parfois y avoir des appréciations différentes d'une même situation et que les personnes qui ont fait l'objet d'une évaluation (ou leurs parents s'ils sont mineurs) peuvent s'adresser à un autre psychologue pour une nouvelle évaluation.

La distinction des missions

Le psychologue peut remplir diverses missions mais il est indispensable qu'il ne les mélange pas : la définition de la mission donne un cadre précis à l'intervention du psychologue, tant dans la modalité de celle-ci que dans le rapport qu'il rédigera. C'est ce que stipule le Titre I-6 :
Titre I, 6/ Respect du but assigné. Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné. Le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.

Dans le contexte d'un conflit judiciarisé et notamment sur la question du droit d'hébergement et de visite des enfants, le psychologue peut être amené à intervenir dans des cadres différents : il peut être commis en tant qu'expert par le juge - auquel cas, après avoir rencontré les deux parents et l'enfant, il devra donner un avis prudent et argumenté sur le mode d'hébergement qui lui apparaîtra le plus adapté à l'épanouissement de celui-ci -  ou il peut être sollicité directement par un parent pour évaluer l'état psychologique de l'enfant. Dans ce dernier cas le psychologue s'en tient à la question posée, donne un avis sur l'équilibre et le développement de l'enfant et n'entre pas dans le débat judiciaire.
Si toutefois il lui était demandé de donner son avis sur le droit d'hébergement par l'un des parents, il devra conserver son indépendance d'appréciation et demander à rencontrer l'autre parent, comme il est indiqué dans le dernier paragraphe de l'article 9 :
Article 9. (...) Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves.

C'est en restant dans le strict cadre de sa mission que le psychologue pourra éviter l'écueil de l'instrumentalisation.
Le fait pour un psychologue de constater qu'un enfant est épanoui et "parfaitement adapté à la vie que son père peut lui offrir" n'implique pas que cet enfant ne serait pas adapté à la vie que sa mère pourrait lui offrir. Il incombe certes au juge de faire procéder à une expertise ou de demander une contre-évaluation.

Avis rendu le 4 avril 2009
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l'avis : 9, 12, 19 ; Titres I, 5 & I, 6

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Avis 09-06.doc

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