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Une personne sollicite la commission de déontologie à propos d’un examen psychologique passé dans un pays étranger dans un cadre professionnel. L’objet de son courrier spécifie deux points : d’une part « contestation » des conclusions de cet examen, d’autre part « demande d’avis de la CNCDP ».
Le demandeur déclare tout d’abord porter plainte auprès de la commission contre le psychologue français signataire du document qui lui a été remis à l’issue de l’évaluation.
Il explique ensuite qu’au cours de la mission temporaire qui lui avait été confiée, il a été convoqué pour un « entretien psychologique de bilan professionnel ». « Sous le contrôle de deux opérateurs », il a passé des tests psychotechniques en langue anglaise. Les résultats de ces tests ont été regroupés sous forme d’un certificat qui a conclu à une « inaptitude psychologique » à l’emploi de l’intéressé. Il conteste notamment le fait que les examinateurs ne se soient pas présentés, l’agressivité de l’un des examinateurs, la nature et la forme des tests proposés en langue anglaise, « l’absence de confidentialité », «… de neutralité », « …de débriefing », « …d’examen psychologique », « …de bilan psychologique », « … de contre évaluation ».
Il demande en conclusion à la commission « de se prononcer sur la légalité des points litigieux » qu’il a soulevés et indique attendre son avis « pour porter cette affaire devant les tribunaux ».

Documents joints :

  • Un document rédigé par le demandeur, relatant les circonstances de l’examen psychologique et faisant état, sur la base d’articles du code de déontologie des psychologues, de contestations et questionnements.
  • La photocopie d’un certificat en langue anglaise présentant sous forme de tableau les résultats à trois séquences de tests, et établissant l’inaptitude du demandeur à exercer un emploi spécifique.
Posté le 09-09-2013 15:04:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Usager / Client)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Orientation professionnelle

Questions déontologiques associées :

- Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle)
- Consentement éclairé
- Titre de psychologue
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Information sur la démarche professionnelle
- Secret professionnel (Données psychologiques non élaborées (protocole de test, QI))
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

En préambule, comme l’indique l’avertissement précédent, la commission souhaite rappeler qu’elle a un rôle uniquement consultatif et n’a pas légitimité à porter quelque jugement que ce soit sur la pratique d’un psychologue ou à poser une sanction. A ce titre, elle ne peut être destinataire d’une plainte car elle n’a aucun pouvoir en matière légale et réglementaire.
Cela est de la compétence des instances judicaires auxquelles le demandeur peut et doit s’adresser pour un traitement et une éventuelle réparation s’il estime avoir subi un préjudice. La commission peut néanmoins répondre au second objet de la demande formulée, à savoir donner un avis éclairé sur une (ou des) question relative à la déontologie des psychologues.
Au regard de la situation décrite et des informations apportées par le demandeur, la commission propose de traiter des cinq points suivants :

  • Usage du titre de psychologue
  • Principes fondamentaux requis lors d’une évaluation/examen psychologique,
  • Responsabilité du psychologue dans le choix des méthodes et techniques qu’il estime appropriées
  • Règles présidant à la présentation d’une intervention, son déroulement et à la communication des éventuels résultats qui en découlent.
  • Droit à contre évaluation.

Usage du titre de psychologue

L’usage du titre de psychologue est réglementé par la loi du 25 juillet 1985, ainsi que le rappelle l’article 1 :
Article 1 : L'usage du titre de psychologue est défini par la loi n 85-772 du 25 juillet 1985 publiée au J.O. du 26 juillet 1985. Sont psychologues les personnes qui remplissent les conditions de qualification requises dans cette loi. Toute forme d'usurpation du titre est passible de poursuites. 
Outre la nécessité d’être détenteur du titre pour exercer, les psychologues ont par ailleurs obligation de s’inscrire dans le département où ils travaillent majoritairement sur une liste professionnelle ADELI 2 gérée par la DDASS . Ils doivent à cette occasion présenter les originaux de leurs diplômes. Toute personne a la possibilité de consulter cette liste sur simple demande et peut ainsi s’assurer qu’un psychologue y figure bien, ce qui atteste de sa qualification.

Principes fondamentaux requis lors d’une évaluation/examen psychologique

Toute activité d’évaluation (psychologique), quel que soit le champ d’exercice du psychologue (scolaire, libéral, travail, hospitalier, socio-éducatif…) doit être guidée par des principes déontologiques qui en garantissent la qualité, la rigueur, le caractère constructif et donc le respect de la personne concernée.
Le respect des droits de la personne est en effet le socle sur lequel vont pouvoir s’étayer les actes professionnels du psychologue. Le principe I-1 en rappelle les fondements, évoquant notamment le respect de la législation en vigueur, de la dignité des personnes, la notion de consentement libre et éclairé, et la protection de la vie privée.
I-1 Respect des droits de la personne : Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
La probité est un autre aspect important, indissociable de l’idée de respect de la personne :
I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l'observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Pour une efficience du processus évaluatif, le psychologue dispose en outre de compétences et qualités scientifiques, liées à sa formation universitaire et continue. Il en connaît les limites et peut refuser d’assurer une mission pour laquelle il ne se sait pas compétent.
I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises.
I-5 Qualité scientifique : Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Enfin la sollicitation du consentement de la personne et son information en termes clairs et compréhensibles des modalités et outils mis à contribution pour l’évaluation sont également indispensables. Cela est explicité au début de l’article 9 :
Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].

Responsabilité du psychologue dans le choix des méthodes et techniques qu’il estime appropriées

Ces principes intégrés et mis en œuvre, c’est au psychologue et à lui seul qu’incombe le choix de la méthode d’évaluation et du modèle théorique sous-jacent, de la technique d’entretien, des outils, instruments, tests, qu’il estime le mieux à même de l’aider à répondre à la (ou aux) question(s) posée(s). Le psychologue est ainsi responsable des options qu’il prend et doit pouvoir assumer les conséquences de ses avis. Dans le même ordre d’idée, il doit veiller à l’indépendance de ses décisions, quel que soit son contexte professionnel et le lien avec son employeur.
Le principe I-3 et l’article 8 éclairent ces notions de responsabilité et d’indépendance professionnelle :
I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Article 8 - Le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions.

Règles présidant à la présentation d’une intervention, son déroulement et à la communication des éventuels résultats qui en découlent.

Au début de toute intervention, quelle qu’elle soit (consultation, examen psychologique, enquête, entretien, thérapie, conseil, recrutement…), il est indispensable que le psychologue décline son identité et explicite clairement à la personne qu’il rencontre sa fonction et le contexte dans lequel il intervient. Après s’être assuré de son consentement, il doit également expliquer la manière dont il entend procéder et les limites de son action. Ces aspects sont évoqués dans l’extrait de l’article 9 déjà cité dans le point 2 : « le psychologue s'assure du consentement de ceux qui […] participent à une évaluation. […]. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].
Dans la plupart de ses interventions, notamment dans le cadre d’une évaluation, le psychologue répond à un objectif précis, remplit une mission qui lui a été confiée. Cette notion de but assigné est très importante en ce qu’elle fixe un cadre à l’évaluation, la « borne » en quelque sorte à un ou quelques domaines spécifiques (par exemple évaluation des capacités cognitives, de la mémoire de travail, de la capacité de gestion du stress situationnel…). Le principe 6 du titre I développe cet aspect :
I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Au cours de son intervention, le psychologue est attentif au bien être de la personne  et veille à ce qu’elle en comprenne le déroulement. Il s’interrompt pour des explications supplémentaires s’il perçoit que le patient/usager est en difficulté manifeste. L’article 17 recommande un travail de mise en perspective théorique de la technique :
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu'il met en œuvre. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d'une mise en perspective théorique de ces techniques.
La communication des résultats et conclusions d’une évaluation obéit également à quelques règles simples fondées sur le respect de la personne. Outre le rappel des méthodes sur lesquelles s’étaye son analyse, le psychologue doit veiller à la présenter de manière compréhensible. S’il produit un document écrit, il doit impérativement porter son nom, sa fonction, ses coordonnées, sa signature et mentionner le destinataire. Par ailleurs, le psychologue ne doit pas accepter que l’on modifie ou signe un document réalisé dans l’exercice de sa fonction.
Enfin le psychologue est conscient du caractère relatif de ses évaluations et doit s’abstenir de conclusions réductrices, surtout lorsqu’elles sont susceptibles d’avoir un impact important sur l’avenir d’une personne. Les articles 12, 14 et 19 éclairent cette question de la restitution de résultats :
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d'obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu'en soient les destinataires. […].
Article 14 : Les documents émanant d'un psychologue (attestation. bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. Le psychologue n'accepte pas que d'autres que lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. […].
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Droit à contre évaluation

Si la contre évaluation est un droit qui figure comme tel dans le code de déontologie des psychologues, elle n’est malheureusement pas toujours possible et réalisée en dehors du contexte précis de l’expertise judiciaire. L’article 9 évoque cet aspect :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].
Il appartient à la personne évaluée de la solliciter et de témoigner de persévérance pour obtenir un nouvel avis qui peut apporter un éclairage différent et complémentaire et aider à la compréhension des conclusions précédentes.
La commission estime souhaitable qu’une contre évaluation soit proposée si la personne en formule la demande, notamment dans le domaine du travail et particulièrement lorsque les tests et bilans psychologiques ont un impact décisif -en termes négatifs- sur l’avenir professionnel (perte d’un statut, licenciement…). La contre évaluation pourrait en outre renforcer la crédibilité et l’intérêt de l’évaluation initiale qui serait ainsi à même de « supporter » un autre point de vue, semblable, différent ou tout à fait contradictoire.

Avis rendu le 1er février 2011
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-1, I-2, I-3, I-4, I-5, I-6 ; Articles 1, 8, 9, 12, 14, 17, 19

 

Annexe

Concernant l’inscription sur le répertoire ADELI 2 :

  • Loi N° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Article 57 :

Le I de l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social est complété par quatre alinéas ainsi rédigés : « Les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue sont tenues, dans le mois qui suit leur entrée en fonction, de faire enregistrer auprès du représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle leur diplôme mentionné au précédent alinéa ou l'autorisation mentionnée au II. « En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, un nouvel enregistrement est obligatoire. La même obligation s'impose aux personnes qui, après deux ans d'interruption, veulent reprendre l'exercice de leur profession. «Dans chaque département, le représentant de l'Etat dresse annuellement la liste des personnes qui exercent régulièrement cette profession en indiquant la date et la nature des diplômes ou autorisations dont elles sont effectivement pourvues. « Cette liste est tenue à jour et mise à la disposition du public. Elle est publiée une fois par an. ».

  • Circulaire DHOS/P 2/DREES N° 2003-143 du 21 mars 2003 relative à l'enregistrement des diplômes des psychologues au niveau départemental. (Site internet : circulaires.gouv.fr, fonction publique).

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Avis 10-17.doc

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