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La requérante s’adresse à la CNCDP à propos de ses deux filles (majeures) qui, dit-elle, « sont sous l’emprise de la psychothérapeute chez laquelle elles suivent une thérapie », (l’une depuis 11ans, l’autre depuis 5 ans). La psychothérapeute est, d’après la requérante, psychologue, titulaire d’un DESS, « se réclamant de la bioénergie ».

Dans sa lettre, seul document reçu, la requérante accuse la « psy » d’utiliser les « stratégies de manipulation » telles qu’elles sont décrites dans un ouvrage sur les psychothérapies : « en lisant [ce] livre j’avais l’impression de voir la description de ce à quoi j’assiste depuis plusieurs années Tous ses contacts et démarches auprès d’associations et avocat, aboutissent au même constat d’impuissance car ses filles. Elle dit « c’est un peu comme un dernier espoir que je me tourne vers vous ; j’ai envoyé également un courrier à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. »

La requérante dit ne plus avoir vu ses filles depuis six mois mais elle a des nouvelles par sa « meilleure amie qui est aussi leur marraine ». Elle décrit :

- les relations professionnelles de la psychologue avec l’une de ses filles, elle-même psychologue, toutes les deux travaillant « dans le même cabinet où elle [sa fille] reçoit des enfants en consultation et sa « thérapeute » fait office de superviseur ». Ces deux psychologues iraient « régulièrement à Paris pour des journées de formation où il est question de pendule, d’énergie cosmique… »
- la longue durée des séances de thérapie.
- les échanges mutuels sous forme de cadeaux ou de vacances passées chez la psychologue.
- l’utilisation d’un pendule lors des séances de thérapie.
- les transformations mentale et physique de ses filles : intolérance, intransigeance, rigidité et obésité.
- la réduction du cercle d’amis « hormis deux filles adeptes de la « psy ».
- le manque d’ouverture et une activité uniquement centrée sur le travail « leurs conversations sérieuses ne tournent qu’autour de ce que pense et dit la psy ou y font référence ».

La requérante souhaite que la Commission puisse intervenir dans cette situation et « vous demande de m’informer de la suite que vous voudrez bien donner à mon attente ».

Posté le 11-02-2011 14:52:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie

Questions déontologiques associées :

- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Abus de pouvoir (Relations d'ordre privé avec un patient)
- Traitement psychologique de personnes liées au psychologue
- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)

Comme l’indique le préambule ci-dessus, la Commission ne peut être saisie que de questions portant sur la déontologie des psychologues ; il n’est pas dans ses missions d’intervenir auprès des personnes ou des situations évoquées par les requérants.

A la vue des informations données par la requérante, la Commission retiendra les points suivants :
1 - La spécificité de la relation psychothérapeutique et ses risques
2 - La position professionnelle
3- La qualité scientifique des interventions de la psychologue.

1 - Ainsi qu’il l’a été dit pour de précédents dossiers, la Commission rappelle que l’intervention à visée « psychothérapeutique » crée une relation entre deux personnes qui ne sont pas dans une position symétrique et équivalente. Les risques de dérive et d’aliénation d’autrui s’en trouvent accrus si le thérapeute ne se conforme pas strictement aux exigences qui s’imposent au psychologue et notamment l’attachement au principe placé en exergue du Code de déontologie des psychologues selon lequel « le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. »

L’aide apportée par le psychothérapeute comporte des dangers par la sujétion et les possibilités d’influence et de manipulation qu’elle véhicule potentiellement. C’est pourquoi, la déontologie des psychologues doit cadrer de manière étroite la compétence professionnelle. Le risque existe, en particulier, que le psychothérapeute sacrifie l’intérêt de son patient à son intérêt quel qu’il soit : psychologique, social, financier…C’est contre ce risque que le Code s’efforce de protéger les usagers de la psychologie. « Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation à autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui cherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours à ses services. » (Article 11).

Si la fille de la requérante qui est psychologue est encore en thérapie avec la psychologue, cette exigence n’a pas été respectée dans la mesure où des relations amicales, entre la psychologue et sa patiente, se sont greffées sur des relations professionnelles de départ, ces dernières perdurant.

2 – Si la psychologue exerce un rôle de thérapeute et fait en même temps « office de superviseur » pour la même personne, on peut dire qu’elle est amenée à confondre des missions incompatibles entre elles en contrevenant à l’Article 7 du Code : « Le psychologue accepte les missions qui sont compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur. »

Parmi les dispositions du Code, la fin de l’Article 11 précise que « le psychologue n’engage pas d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié ». La patiente et la psychologue travaillant ensemble, donc en lien étroit, cette collaboration empêche de fait la possibilité d’un traitement. Il y a là un risque d’abus de pouvoir, voire une recherche d’intérêt financier de la part de la psychologue. De plus, selon les dires de la requérante, il semble que la psychologue ait engagé une psychothérapie avec la plus jeune sœur alors qu’elle suivait encore l’aînée et que de surcroît elle travaillait avec elle.

3 - La Commission n’a pas pour mission de se prononcer sur les techniques utilisées par la psychologue dans le traitement (pendule, durée des séances, …). Elle rappelle néanmoins le Titre I-5 du Code « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explication raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux. »

 

Conclusion

Bien que la requérante n’ait pas précisé ses attentes par rapport à la Commission (en dehors d’une intervention et de suite à donner) cette dernière répond sur les possibilités de dérive de la psychologue–psychothérapeute dans l’exercice de sa profession et sur un manquement au Code, en particulier à l’Article 11. Elle rappelle, comme le recommande la Charte Européenne des Psychologues, que « le psychologue respecte et œuvre à la promotion des droits fondamentaux des personnes, de leur liberté, de leur dignité, de la préservation de leur intimité et de leur autonomie, de leur bien être psychologique. »

Fait à Paris, le 8 mai 2004
Pour la C.N.C.D.P.
Vincent Rogard, Président

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Avis 03-26.doc

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