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Le demandeur sollicite la Commission au sujet du comportement d’une psychologue exerçant dans un service de maternité dans un hôpital privé. Celle-ci est intervenue dans le suivi de son épouse lors de la naissance de leur deuxième enfant. Il souhaite un avis motivé sur les deux attestations rédigées par cette psychologue produites par son épouse dans le cadre d’une procédure judiciaire concernant la résidence de leurs deux enfants.

Ce père précise le contexte de cette séparation, des tensions sont nées avant la grossesse et se sont aggravées par la suite. Il souligne que son épouse « a tout mis en œuvre pour l’évincer de la vie de leur enfant à naître ». Il estime qu’elle a fait preuve de « cruauté mentale » à son égard par ses provocations et accusations permanentes. Le demandeur ajoute que son épouse a cherché à convaincre son entourage et le personnel médical de comportements violents qu’il aurait eu alors qu’il estime avoir été l’objet de violences physiques et psychologiques de la part de son épouse.

Une première consultation en PMI a eu lieu, ils ont été reçus tous les deux. Sa femme n’aurait pas souhaité y donner de suite. Elle a finalement été suivie par une psychologue de la maternité. Le demandeur précise que le conflit avec son épouse s’est cristallisé autour du choix du prénom de leur futur enfant et qu’il ne leur a pas été possible de s’accorder avant la date limite de déclaration.

Lors de la naissance, ce père souligne que le personnel a eu une « attitude de méfiance » à son égard. Il dit avoir été blessé par une remarque d’un médecin lui signifiant que « sa femme était une très bonne mère » et qu’il fallait qu’il soit « responsable ». De plus, il n’a pas pu obtenir le certificat de naissance de son fils et a alors fait part de son mécontentement. C’est à ce moment-là que la psychologue l’a invité (avec une consœur) à échanger dans son bureau. Lors de cet entretien, il estime que les deux psychologues lui ont imposé de renoncer au choix du prénom de son fils tout en déclarant qu’elles seraient les médiatrices de ce conflit et qu’elles n’accepteraient aucune violence de sa part. Le demandeur reproche aux psychologues de ne pas avoir été impartiales dans l’analyse de la situation familiale. La psychologue qui a rédigé une première attestation en faveur de son épouse lui a précisé qu’elle pouvait mentir si nécessaire. Le demandeur souligne que la psychologue de la PMI, qui a elle aussi rendu un écrit, considérait que le conflit parental était activement entretenu par son épouse alors que les puéricultrices ont rédigé une note pour le Juge aux Affaires Familiales pour faire part de l’importance du conflit parental.

Suite à l’audience, le demandeur ajoute que son ex épouse a déménagé sans le prévenir et qu’il est donc parti, par la suite, avec ses enfants quelques jours. Les deux attestations ont été rédigées dans ce contexte à la demande de la mère. L’ex-mari estime que la psychologue a pris parti pour son ex-femme en tenant compte uniquement de ses dires. Elle fait part de faits dont elle n’a pas été témoin puisqu’elle n’a jamais rencontré monsieur en présence de ses enfants. Pour lui, la psychologue au vu des éléments relatés aurait dû faire un signalement.

Le demandeur soumet plusieurs questions à la Commission :

- « Est-il déontologique que la psychologue lui demande de céder sur le choix de prénom de son fils, qu’on refuse de lui transmettre l’acte de naissance et le menace de l’exclure de la maternité sur une simple présomption ? »

- « Est-il conforme à la déontologie que la psychologue prenne partie pour son ex-épouse et lui conseille de mentir ? Qu’elle accepte de rédiger une attestation à la demande de la PMI ? »

- « Est-il conforme à la déontologie que la psychologue se contredise dans sa deuxième attestation en écrivant « manifestations d’agressivité malgré la sollicitude de l’ensemble de l’équipe à l’égard des deux parents » alors que dans la première attestation elle mentionnait « un accès de colère et que tout s’était bien passé par la suite » ? Relate des faits rapportés par son épouse sans prendre de recul et en évoquant de la violence alors qu’aucun élément transmis ne va dans ce sens ? »

- « Est-il conforme à la déontologie qu’elle relate des faits dont elle ne peut constater la réalité ? »

- Si comme elle l’écrit, elle est préoccupée « par la sécurité des enfants » n’avait-elle pas l’obligation d’effectuer un signalement ?

Posté le 01-01-1970 01:00:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2017

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre époux

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Assistance à personne en péril (Protection)
- Discernement
- Impartialité
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)

CNCDP, Avis N° 17 - 14

Avis rendu le    18/10/2017

Titres : Préambule - Principes : 1, 2, 3, 6 – Articles 7, 13 19

Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis.

               RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le demandeur sollicite la Commission au sujet du comportement d’une psychologue exerçant dans un service de maternité dans un hôpital privé. Celle-ci est intervenue dans le suivi de son épouse lors de la naissance de leur deuxième enfant. Il souhaite un avis motivé sur les deux attestations rédigées par cette psychologue produites par son épouse dans le cadre d’une procédure judiciaire concernant la résidence de leurs deux enfants.

Ce père précise le contexte de cette séparation, des tensions sont nées avant la grossesse et se sont aggravées par la suite. Il souligne que son épouse « a tout mis en œuvre pour l’évincer de la vie de leur enfant à naître ». Il estime qu’elle a fait preuve de « cruauté mentale » à son égard par ses provocations et accusations permanentes. Le demandeur ajoute que son épouse a cherché à convaincre son entourage et le personnel médical de comportements violents qu’il aurait eu alors qu’il estime avoir été l’objet de violences physiques et psychologiques de la part de son épouse.

Une première consultation en PMI a eu lieu, ils ont été reçus tous les deux. Sa femme n’aurait pas souhaité y donner de suite. Elle a finalement été suivie par une psychologue de la maternité. Le demandeur précise que le conflit avec son épouse s’est cristallisé autour du choix du prénom de leur futur enfant et qu’il ne leur a pas été possible de s’accorder avant la date limite de déclaration.

Lors de la naissance, ce père souligne que le personnel a eu une « attitude de méfiance » à son égard. Il dit avoir été blessé par une remarque d’un médecin lui signifiant que « sa femme était une très bonne mère » et qu’il fallait qu’il soit « responsable ». De plus, il n’a pas pu obtenir le certificat de naissance de son fils et a alors fait part de son mécontentement. C’est à ce moment-là que la psychologue l’a invité (avec une consœur) à échanger dans son bureau. Lors de cet entretien, il estime que les deux psychologues lui ont imposé de renoncer au choix du prénom de son fils tout en déclarant qu’elles seraient les médiatrices de ce conflit et qu’elles n’accepteraient aucune violence de sa part. Le demandeur reproche aux psychologues de ne pas avoir été impartiales dans l’analyse de la situation familiale. La psychologue qui a rédigé une première attestation en faveur de son épouse lui a précisé qu’elle pouvait mentir si nécessaire. Le demandeur souligne que la psychologue de la PMI, qui a elle aussi rendu un écrit, considérait que le conflit parental était activement entretenu par son épouse alors que les puéricultrices ont rédigé une note pour le Juge aux Affaires Familiales pour faire part de l’importance du conflit parental.

Suite à l’audience, le demandeur ajoute que son ex épouse a déménagé sans le prévenir et qu’il est donc parti, par la suite, avec ses enfants quelques jours. Les deux attestations ont été rédigées dans ce contexte à la demande de la mère. L’ex-mari estime que la psychologue a pris parti pour son ex-femme en tenant compte uniquement de ses dires. Elle fait part de faits dont elle n’a pas été témoin puisqu’elle n’a jamais rencontré monsieur en présence de ses enfants. Pour lui, la psychologue au vu des éléments relatés aurait dû faire un signalement.

Le demandeur soumet plusieurs questions à la Commission :

- « Est-il déontologique que la psychologue lui demande de céder sur le choix de prénom de son fils, qu’on refuse de lui transmettre l’acte de naissance et le menace de l’exclure de la maternité sur une simple présomption ? »

- « Est-il conforme à la déontologie que la psychologue prenne partie pour son ex-épouse et lui conseille de mentir ? Qu’elle accepte de rédiger une attestation à la demande de la PMI ? »

- « Est-il conforme à la déontologie que la psychologue se contredise dans sa deuxième attestation en écrivant « manifestations d’agressivité malgré la sollicitude de l’ensemble de l’équipe à l’égard des deux parents » alors que dans la première attestation elle mentionnait « un accès de colère et que tout s’était bien passé par la suite » ? Relate des faits rapportés par son épouse sans prendre de recul et en évoquant de la violence alors qu’aucun élément transmis ne va dans ce sens ? »

- « Est-il conforme à la déontologie qu’elle relate des faits dont elle ne peut constater la réalité ? »

- Si comme elle l’écrit, elle est préoccupée « par la sécurité des enfants » n’avait-elle pas l’obligation d’effectuer un signalement ?

Documents joints :

  • Deux attestations rédigées par la psychologue de l’hôpital.
  • Copie des courriels rédigés par l’ex-épouse

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

Au vu de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter les points suivants :

  • Prudence, discernement et impartialité dans la rédaction d‘écrits.
  • Responsabilité et secret professionnel du psychologue.
  • Protection des personnes.
  1. Prudence, discernement et impartialité dans la rédaction d’écrits.

Tout document rédigé par un psychologue engage sa responsabilité et comme le précise le Principe 2, il doit faire preuve de prudence, de mesure et de discernement.

Principe 2 : Compétence

« … Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

En rapportant uniquement le discours énoncé par la mère concernant les enfants sans perspective critique et sans tenir compte du discours du père qu’elle n’a reçu qu’une fois en entretien, la psychologue s’expose au reproche d’impartialité.

Le psychologue doit prendre en considération que cet écrit peut être produit en justice et doit veiller à respecter le but qui lui est assigné dans l’esprit du Principe 6 du Code :

Principe 6 : Respect du but assigné.

«  ….En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans cette situation, le cadre d’intervention de la psychologue était bien défini et elle n’est pas sans ignorer que son écrit, qui va au-delà d’une simple attestation, va être utilisé dans le cadre d’une décision judiciaire concernant la résidence alternée des enfants. Selon l’ex-conjoint, la psychologue se laissant aller à une certaine empathie avec son ex-épouse, lui aurait conseillé de mentir ce qui, si le fait s’avérait exact serait une dérogation à l’impartialité dont doit faire preuve un psychologue comme le mentionne le Principe 2 déjà cité.

  1. Responsabilité et secret professionnel du psychologue

Lorsqu’une demande d’écrit est adressée à un psychologue, il doit prendre le recul nécessaire pour mener une réflexion sur le contexte de cette demande, sur la pertinence d’y donner suite et sur les répercussions de son choix sur l’ensemble des protagonistes. Cette responsabilité professionnelle est définie dans l’introduction des principes Généraux et dans le Principe 3 du Code :

« La complexité des situations psychologiques s’oppose à l’application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […]».

 

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule […]. » 

En répondant favorablement à la demande d’écrit de l’ex-épouse, la psychologue a manqué de discernement. En effet, le psychologue se doit de prendre du recul, d’analyser la situation familiale dans sa globalité et ce, dans l’intérêt de l’enfant. De plus, la psychologue ne peut évaluer cette situation sans rencontrer l’ensemble des protagonistes et notamment analyser les relations parents-enfants.

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu lui-même examiner».

Dans cette situation, il en est de même des différents faits et paroles dont le demandeur accuse la psychologue qui aurait pris parti ouvertement pour sa patiente alors qu’elle ne l’a rencontré, lui, qu’une seule fois et qu’elle ne l’a jamais vu évoluer avec ses enfants.

De plus, le psychologue doit garantir aux personnes qui le rencontre la confidentialité des échanges et le respect du secret professionnel qui engage sa responsabilité professionnelle comme le stipule le Principe 1 et l’article 7 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne.

« …Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel… ».

Article 7 : « Les obligations concernant le secret professionnel s'imposent quel que soit le cadre d'exercice ».

Au vu des écrits rédigés par la psychologue, dont la responsabilité professionnelle est engagée, de par sa fonction et sa déontologie, la Commission estime qu’elle a dérogé au secret professionnel. En effet, dans son attestation, la psychologue fait référence à un échange de messages courts (SMS) entre les époux et à un courriel dont elle joint le contenu. Ces écrits mettraient à jour les violences potentielles du demandeur, en passant sous silence la responsabilité de sa patiente dans l’escalade des conflits de couple.

De plus, la psychologue fait état dans son écrit de faits qui ne peuvent que renforcer et influencer le jugement en défaveur du demandeur. La Commission estime qu’elle aurait dû prendre en compte les recommandations de l’article 13 et le principe 3 déjà cités.

3 . Protection des personnes.

Le demandeur souligne que la psychologue a mentionné dans son écrit son inquiétude concernant la sécurité des enfants au vu du contexte familial sans envisager d’adresser une information préoccupante aux autorités compétentes.

Dans le cadre de sa pratique, le psychologue a une responsabilité professionnelle qui concerne la protection des personnes et ce d’autant qu’il s’agit d’enfants mineurs.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et plus spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection […] ».

 

Le psychologue a à évaluer la situation à laquelle il est confronté et le danger potentiel qu’encourent les mineurs dans un tel contexte familial afin de prendre une décision sur la conduite à tenir et sur les mesures les plus appropriées.

Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou de celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril […] ».

 

Ainsi, le psychologue se doit de tenir compte du contexte et des éléments recueillis pour analyser la situation familiale et transmettre les éléments préoccupants aux instances concernées. Il doit en toute conscience décider s’il est nécessaire de rédiger une « information préoccupante » afin de déclencher une évaluation plus approfondie de la situation auprès des autorités compétentes. Cependant, il est nécessaire de souligner que rédiger une information préoccupante n’est pas un acte anodin et n’est pas toujours la réponse la plus favorable à apporter dans une situation de crise comme le rappelle l’introduction aux Principes Généraux du Code :

« La complexité des situations psychologiques s’oppose à l’application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […] ».

Dans la situation présente, compte tenu de la crise familiale et de l’escalade des violences envers les enfants, il aurait pu être judicieux, afin de les protéger, de transmettre une information préoccupante aux autorités compétentes.

 

 

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

CNCDP, Avis N° 17 -14

Avis rendu le : 18/10/2017

Principes, Titres et articles du code cités dans l'avis :

Principes 1, 2, 3, 6 Articles 7, 13, 19

Indexation du résumé :

Type de demandeur : Particulier TA Parents

Contexte de la demande : Procédure judiciaire entre époux

Objet de la demande d’avis : Écrit d'un psychologue TA attestation

Responsabilité professionnelle

Discernement

Impartialité

Respect de la personne

Respect du but assigné

Secret professionnel TA obligation du respect du secret professionnel

Assistance à personne en péril TA Protection

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