Fil de navigation

La demandeuse est psychologue dans un établissement pour personnes âgées et sollicite l’avis de la Commission au sujet de « la position déontologique d’une psychologue-formatrice au cours d’un stage de formation ». Cette demande s’inscrit dans un contexte extrêmement conflictuel depuis plusieurs années, entre la demandeuse et l’équipe d’encadrement. En effet, elle oppose régulièrement sa nécessaire autonomie technique face aux demandes institutionnelles, ce qui aurait conduit à son éviction de certaines décisions. Elle s’estime victime de « harcèlement moral de très longue date ».

Il s’agit de la seconde sollicitation d’avis de cette demandeuse auprès de la Commission suite à une formation interne dispensée par une psychologue mandatée par le groupe gestionnaire de son établissement.

Ces difficultés anciennes et la persistance d’un climat professionnel tendu ont conduit à son licenciement. Cette procédure est intervenue au décours d’une nouvelle formation d’une journée, dispensée en interne par la même psychologue. La proposition de cette formation sur le thème de « l’entretien de pré-admission » lui avait été faite quelques jours auparavant par la directrice de l’établissement. Bien que le « public concerné » ciblait le personnel paramédical et administratif de l’établissement, la directrice y a également participé. Au cours de cette journée, la formatrice a fait état de la législation et d’un nouveau protocole de pré-admission, proposé par le groupe gestionnaire, qui prévoit un entretien collectif du futur résident avec le médecin, le cadre infirmier et le psychologue. La demandeuse a remis en cause la pédagogie et le contenu de cette formation et s’est opposé vigoureusement à ce projet. Devant la réticence exprimée par la demandeuse, la formatrice a coupé court à toute discussion et a laissé la directrice intervenir dans le débat. Une altercation verbale violente s’en est suivie et la demandeuse a quitté la pièce précipitamment. Cet épisode a occasionné un avertissement, « prélude » à la procédure qui a conduit à son licenciement.

La demandeuse a initié une action prud’homale et sollicite l’avis de la Commission sur plusieurs points pour étayer son dossier.

  • Le psychologue ne doit-il pas être attentif à la présence, au sein des formations qu’il anime, de liaisons hiérarchiques parmi les stagiaires ? La composition du groupe est-elle de sa responsabilité déontologique ?
  • Lorsque le psychologue perçoit des tensions, voire « des violences » parmi les participants, ne doit-il pas intervenir, surtout si c’est un collègue psychologue qui est visé ou mis en cause par son supérieur hiérarchique ?
  • Compte tenu des difficultés rencontrées au cours de la formation, était-il de la responsabilité du psychologue de chercher à rétablir un climat serein au sein du groupe en tentant d’établir le dialogue avec le psychologue de l’établissement » lors des temps de pause ?
  • La psychologue formatrice a-t-elle pris part dans le projet de licenciement de la demandeuse puisque cette formation a catalysé « une humiliation à l’égard d’un salarié par la direction » ?
Posté le 01-11-2018 21:40:50

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2017

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Animation de réunion

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Confraternité entre psychologues (Soutien)
- Consentement éclairé
- Formation des psychologues / Enseignement (Respect du code de déontologie)
- Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Responsabilité professionnelle

CNCDP, Avis N° 17 - 08

Avis rendu le 21 juillet 2017

Principes, Titres et Articles du code cités dans l'avis : Principes 1, 3, 4, 6 ; Articles 2, 3, 4, 5, 9.

Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis.

RESUME DE LA DEMANDE

 

La demandeuse est psychologue dans un établissement pour personnes âgées et sollicite l’avis de la Commission au sujet de « la position déontologique d’une psychologue-formatrice au cours d’un stage de formation ». Cette demande s’inscrit dans un contexte extrêmement conflictuel depuis plusieurs années, entre la demandeuse et l’équipe d’encadrement. En effet, elle oppose régulièrement sa nécessaire autonomie technique face aux demandes institutionnelles, ce qui aurait conduit à son éviction de certaines décisions. Elle s’estime victime de « harcèlement moral de très longue date ».

Il s’agit de la seconde sollicitation d’avis de cette demandeuse auprès de la Commission suite à une formation interne dispensée par une psychologue mandatée par le groupe gestionnaire de son établissement.

Ces difficultés anciennes et la persistance d’un climat professionnel tendu ont conduit à son licenciement. Cette procédure est intervenue au décours d’une nouvelle formation d’une journée, dispensée en interne par la même psychologue. La proposition de cette formation sur le thème de « l’entretien de pré-admission » lui avait été faite quelques jours auparavant par la directrice de l’établissement. Bien que le « public concerné » ciblait le personnel paramédical et administratif de l’établissement, la directrice y a également participé. Au cours de cette journée, la formatrice a fait état de la législation et d’un nouveau protocole de pré-admission, proposé par le groupe gestionnaire, qui prévoit un entretien collectif du futur résident avec le médecin, le cadre infirmier et le psychologue. La demandeuse a remis en cause la pédagogie et le contenu de cette formation et s’est opposé vigoureusement à ce projet. Devant la réticence exprimée par la demandeuse, la formatrice a coupé court à toute discussion et a laissé la directrice intervenir dans le débat. Une altercation verbale violente s’en est suivie et la demandeuse a quitté la pièce précipitamment. Cet épisode a occasionné un avertissement, « prélude » à la procédure qui a conduit à son licenciement.

La demandeuse a initié une action prud’homale et sollicite l’avis de la Commission sur plusieurs points pour étayer son dossier.

  • Le psychologue ne doit-il pas être attentif à la présence, au sein des formations qu’il anime, de liaisons hiérarchiques parmi les stagiaires ? La composition du groupe est-elle de sa responsabilité déontologique ?
  • Lorsque le psychologue perçoit des tensions, voire « des violences » parmi les participants, ne doit-il pas intervenir, surtout si c’est un collègue psychologue qui est visé ou mis en cause par son supérieur hiérarchique ?
  • Compte tenu des difficultés rencontrées au cours de la formation, était-il de la responsabilité du psychologue de chercher à rétablir un climat serein au sein du groupe en tentant d’établir le dialogue avec le psychologue de l’établissement » lors des temps de pause ?
  • La psychologue formatrice a-t-elle pris part dans le projet de licenciement de la demandeuse puisque cette formation a catalysé « une humiliation à l’égard d’un salarié par la direction » ?

Documents joints :

  • Programme de la formation interne.
  • Attestation de formation.
  • Copie du courrier en Accusé de Réception notifiant l’avertissement professionnel signé par la directrice de l’établissement.
  • Copie de la réponse en contestation de cet avertissement (en recommandé avec accusé de réception) argumentée par la demandeuse.
  • Copie d’un courrier de la direction adressé à la demandeuse.
  • Copie d’un courrier de la demandeuse adressé à la direction.
  • Copie de la demande d’avis adressée par la demandeuse en 2014 comprenant :
  • Copie d’un courrier adressé par la demandeuse à l’Agence Régionale de Santé (ARS) en 2013
  • Copie du courrier de réponse de l’ARS
  • Copie d’une feuille de passation du Mini Mental State (MMS)
  • Copie de deux comptes rendus psychologiques de MMS anonymisés

AVIS

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donnés.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la Commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

Compte tenu de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter les points suivants :

  • Règles déontologiques du psychologue : responsabilités et respect du but assigné dans une activité de formation.
  • Le psychologue en institution : autonomie et responsabilité professionnelle.

 

  1. Règles déontologiques du psychologue : responsabilités et respect du but assigné dans une activité de formation.

Les psychologues peuvent être amenés à intervenir dans le cadre de la formation professionnelle comme le rappelle l’article 3.

Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel […] ».

Cette activité s’exerce dans le cadre des règles déontologiques du Code.

Lorsqu’un psychologue accepte une mission de formation, il engage sa responsabilité et son autonomie comme il est rappelé au Principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle […] Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ».

Dans la situation présentée, le but de la formation visait « des axes d’amélioration » de la procédure d’admission des résidents et l’ajustement du « rôle des différents acteurs ». La psychologue et la directrice ne sont pas explicitement citées dans la liste de « la population concernée » par cette journée. Leur présence paraît néanmoins adaptée au vu des objectifs affichés à savoir, l’analyse des pratiques et le rôle de chacun selon sa fonction. Dans ce type de situation, il est attendu d’un psychologue-formateur qu’il prenne soin d’expliciter l’intérêt de cette présence et qu’il obtienne le consentement de l’ensemble des participants.

La Commission estime, à la lecture du programme, que la psychologue-formatrice a respecté le but assigné tel qu’il est énoncé dans le principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

         « […] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

Par ailleurs l’expression de tensions dans des équipes en formation continue est un paramètre possible qui doit inciter le formateur à prévenir tout dérapage verbal pouvant porter atteinte aux personnes. La régulation de conflits fait en effet partie des outils techniques que les psychologues-formateurs possèdent dans le but de garantir le respect des personnes. Les méthodes choisies par le psychologue pour faire face à ces situations peuvent être explicitées aux stagiaires dès le début de la formation afin de poser un cadre et des limites. Il engage alors sa compétence professionnelle, sa responsabilité mais aussi son autonomie comme mentionné dans les Principes 1 et 3 du Code.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule »

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« […] Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ».

Dans la situation présente, la psychologue-formatrice semble avoir fait preuve d’un certain retrait au moment de l’altercation entre la demandeuse et sa supérieure hiérarchique. Le choix de neutralité, dans ce type de situation délicate, peut faire partie des outils méthodologiques adoptés dans un tel contexte, conformément au Principe 3 déjà cité.

Enfin, l’implication de la psychologue-formatrice dans le processus de licenciement de la psychologue n’est pas apparue explicite pour la Commission.

2. Le psychologue en institution : autonomie et responsabilité professionnelle

Qu’il travaille seul ou en équipe, les règles du Code de déontologie s’appliquent à tous les psychologues. Le travail institutionnel conduit le professionnel à interroger son positionnement afin de s’ajuster aux demandes spécifiques de son lieu de travail dans le respect de sa déontologie, comme il est rappelé en préambule des principes généraux du Code.

« La complexité des situations psychologiques s'oppose à l’application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […] »

La mission fondamentale du psychologue est d’œuvrer au respect de la dimension psychique des personnes, quel que soit son cadre d’exercice, ceci est mentionné à la fois dans le frontispice et dans l’article 2 du Code.

Frontispice

« Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues ».

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte ».

Ce dernier article prévoit la possibilité pour un psychologue de recevoir des personnes collectivement dans le respect de leur dimension psychique.

Le travail en institution, au sein d’une équipe, peut cependant rendre complexe la réponse à une commande institutionnelle, en particulier lorsque le cadre de travail comporte des procédures internes auxquelles il est demandé au psychologue de se conformer. Le principe 3, déjà cité, rappelle cependant l’autonomie du psychologue dans le choix des méthodes et techniques qu’il met en œuvre pour répondre à une demande.

Dans la situation présente, le protocole d’accueil des nouveaux résidents, élaboré par le groupe gestionnaire de l’établissement, prévoit une rencontre collective des cadres de la structure, y compris le psychologue, avec le futur résident et sa famille. La Commission estime qu’il est possible d’envisager la participation d’un psychologue à un protocole local de ce type et rappelle aussi que, conformément à l’article 3, le psychologue est en mesure de proposer les ajustements qu’il estime nécessaires.

Article 3 : « […] Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien ».

Il appartient au professionnel d’informer ses interlocuteurs des objectifs de cette rencontre et de rechercher leur consentement, en respect des Principes 1 et de l’article 9 du Code, déjà cités. Il lui appartient également de veiller au respect du but assigné à cet entretien collectif d’accueil. La présence du psychologue doit être préparée, les objectifs et modalités de sa participation clarifiés tel que le mentionne le Principe 6.

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement [...] »

Il est de la responsabilité du psychologue de faire respecter la spécificité de sa démarche comme le rappelle l’article 4.

Article 4 : « Qu'il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels. »

En cas de désaccord avec un employeur sur les modalités d’intervention du psychologue dans le cadre d’une procédure interne, le professionnel est appelé à argumenter et développer avec rigueur et clarté les fondements théoriques du mode d’intervention qu’il souhaite privilégier conformément au Principe 4.

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ».

En tout état de cause, si un psychologue considère une mission incompatible avec sa fonction ou hors de ses compétences, il lui appartiendra d’éclairer ses interlocuteurs sur les éléments qui ont fondé sa décision avant de refuser d’accéder à une demande institutionnelle, comme le prévoit l’article 5.

Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences ».

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

CNCDP, Avis N° 17-08

Avis rendu le : 21 juillet 2017

Principes, Titres et articles du code cités dans l'avis :

Principes 1, 3, 4, 6 ; Articles 2, 3, 4, 5, 9.

Indexation du résumé :

Type de demandeur : Psychologue TA Secteur médico-social

Contexte de la demande : Questions sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande d’avis : Intervention d’un psychologue TA animation de réunion

Indexation du contenu de l’avis :

Autonomie professionnelle

Confraternité entre psychologues TA Soutien

Consentement éclairé

Formation des psychologues/ Enseignement TA Respect du code de déontologie

Information sur la démarche professionnelle TA Explicitation de la démarche aux usagers/clients ou patients

Reconnaissance de la dimension psychique des personnes

Responsabilité professionnelle

Télécharger l'avis

Avis_2017_08.pdf

Recherche