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Dans un contexte de divorce conflictuel, le demandeur saisit la Commission au sujet de deux attestations rédigées par la psychologue qui suit son ex-épouse depuis près de deux ans. Ces deux attestations portent pour l'essentiel sur un avis de la psychologue concernant la résidence de leur fils, âgé de quinze ans.

L’adolescent vit actuellement au domicile de la mère. Pour sa part, il a également un suivi psychologique par une autre psychologue, associé à un suivi médical, en raison de troubles psychiques diagnostiqués. Le père, chez qui il réside un week-end sur deux et la moitié des vacances, demande la résidence alternée. Par ailleurs, une expertise médico-psychologique de la famille, mandatée par le Juge aux affaires familiales, a conclu récemment en faveur de la résidence alternée.

Dans ses deux attestations, la psychologue qui suit exclusivement la mère prend « clairement partie » pour celle-ci, et estime que « la garde (de l'adolescent) doit lui être confiée ». Pour autant, elle n’a eu « que le point de vue de (la mère) » n’ayant  rencontré ni le fils ni le père. Le demandeur estime de plus que la psychologue a donné un avis « définitif et sans appel » dans cet écrit. Il interroge la Commission sur « l'attitude » de la psychologue dans ce contexte et demande un avis déontologique au sujet de ces attestations.

Documents joints :

- Copie des deux attestations de la psychologue qui suit la mère,

- Copie du rapport de complément d'expertise médico-psychologique de la famille, rédigé par un expert médecin psychiatre.

 

Posté le 27-09-2017 18:25:37

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2016

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
- Discernement
- Respect du but assigné

Au regard de la demande et des documents joints, la Commission traitera les points suivants :

- Prise en charge thérapeutique d'un parent dans un contexte de divorce : respect du but assigné,

- Avis, évaluation et faits rapportés.

1. Prise en charge thérapeutique d’un parent dans un contexte de divorce : respect du but assigné.

Dans les deux écrits de la psychologue produits par le demandeur, cette dernière atteste en introduction suivre la mère en psychothérapie. Elle  centre ensuite son écrit sur la relation de la mère avec l'adolescent puis sur l'adolescent lui-même.  La psychologue précise que cette psychothérapie a commencé pour l’essentiel à la demande de la mère à la suite du rapport d’expertise initial, qui préconisait « un soutien médico-psychologique individuel de chaque parent », en raison de l'intensité du conflit parental. 

Compte tenu de la demande initiale de la mère vis-à-vis de la psychologue, le but assigné de la prise en charge est alors défini, en terme de suivi psychothérapeutique de la mère. 

Le psychologue, avant toute intervention, se doit d’expliciter clairement à la personne qu’il reçoit les objectifs mais aussi les limites de son intervention, comme le précise l’article 9 du Code :

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Même si d'autres demandes de la personne reçue peuvent émerger au cours de la prise en charge, le psychologue se doit de lui expliciter les limites de celle-ci. Dans la situation présente, la demande d'attestation, portant sur les questions de résidence de l'enfant, a émergé après le début du suivi, et la psychologue se devait d’expliquer quelles étaient les limites d'un écrit à un tiers. Il en va de sa compétence et du respect du but assigné à son intervention. Ces deux aspects déontologiques sont développés dans les Principes généraux suivants du Code :

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son  intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

D’un point de vue déontologique, il est donc attendu du psychologue qu’il se tienne au respect du but assigné, ici en l’occurrence la stricte prise en charge thérapeutique de la personne reçue, en ayant le souci de se maintenir à distance du conflit parental concernant la résidence de l’enfant.

Le Principe 2, déjà cité, aide aussi le psychologue à considérer son positionnement dans un tel conflit :

Principe 2 (déjà cité)

Le psychologue tient sa compétence : […]

  • de sa formation à discerner son implication personnelle de la compréhension d’autrui. […]

2. Avis, évaluation et faits rapportés.

Dans les deux attestations de la psychologue, celle-ci n'indique aucunement une rencontre ou un suivi psychologique de l'adolescent. Lors de la transmission d'écrits à des tiers, le psychologue peut évoquer des situations qui lui sont rapportées mais ne peut pas évaluer des personnes qu'il n'a pas lui-même rencontrées, comme le stipule l'article 13 du Code.

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même.

Les écrits de la psychologue, rédigés à plus d'un an d'intervalle,  évoquent clairement une évaluation psychologique de l'adolescent et son évolution psychologique, sous-tendue par des faits que la psychologue n'a pu constater par elle-même. Dans tous les cas, et a fortiori dans le cas d'un conflit parental, la production d'avis psychologiques requiert la plus grande prudence et impartialité, comme le stipulent le Principe 2 du Code déjà cité, ainsi que l'article 17. 

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent des éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Le psychologue doit être vigilant dans les situations de divorce, notamment quand le conflit se centre sur les modalités de résidence de l'enfant.  Il peut alors œuvrer au bien-être et au respect de celui-ci par sa prudence et son impartialité et aider ainsi à l'apaisement des tensions.

 

 

Pour la CNCDP

La Présidente

Catherine Martin

 

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avis 16-05 AI.pdf

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