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La demande émane de la belle-mère d’un enfant de dix ans, et porte sur une attestation produite par un psychologue, au sujet de l’enfant et adressée à son père d’une part et à sa mère d’autre part.

Afin de transmettre les conclusions de son analyse clinique aux deux parents, le psychologue les a sollicités pour un entretien conjoint. Le père de l’enfant a demandé à ce que sa compagne, la belle-mère de l’enfant puisse être présente. Le psychologue a refusé ; le père ne s’est de ce fait pas présenté à l’entretien de restitution avec le psychologue. Ce dernier a alors envoyé au père une restitution par écrit, via l’attestation qu’il a rédigée.

La demandeuse vit avec le père de l’enfant âgé de dix ans depuis cinq ans, et l’enfant était jusqu’alors en garde alternée. La mère de l’enfant « a entamé une procédure judiciaire pour récupérer la garde totale (chez elle avec droit de visite et d’hébergement pour le père) ».

La demandeuse estime être « victime d’une diffamation » de la part de ce psychologue ; elle explique que l’attestation produite l’a « traumatisée », « blessée ». Dans cette attestation, les propos rapportés la concernant, ont été préjudiciables pour la relation qu’elle entretient avec son beau-fils. D’après le courrier de la demandeuse, la mère de l’enfant a encouragé ce dernier à « rester distant avec [elle] ».

La belle-mère se demande si l’enfant a véritablement dit « tout ça sur [elle] », si ses propos ont été induits, transformés, ou si l’enfant pense « tout ce mal sur [elle] ».

La demandeuse, se sentant « salie », interroge la Commission pour savoir si le psychologue avait le droit de produire une telle attestation sans l’avoir « jamais rencontrée » et si elle peut « faire quelque chose » à son encontre. Elle attend la réponse de la Commission pour lui apporter« un peu de réconfort et des réponses pour arriver à gérer cela ».

Pièces jointes :

-       Copie de  « l’attestation psychologique et de l’analyse clinique » de l’enfant, rédigée par le psychologue et adressée au père,

-       Copie du courrier envoyé par la demandeuse au psychologue en réponse  à cette attestation.

A la lecture des courriers de la demandeuse et des pièces jointes, la Commission traitera des points suivants :

-       Forme et finalité d’un document émis par un psychologue,

-       Distinction des missions et fonctions, respect du but assigné,

-       Prudence et impartialité.

Posté le 26-12-2016 16:21:19

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2015

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Discernement
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Compétence professionnelle
- Écrits psychologiques
- Évaluation
- Mission
- Respect de la loi commune
- Responsabilité professionnelle
- Impartialité
- Transmission de données psychologiques

1. Forme et finalité d’un document émis par un psychologue

Il est recommandé dans le Code, en son article 20, que les éléments nécessaires à l’identification de l’auteur et de l’objet de tout écrit professionnel soient notifiés :

Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature […]

Suite à l’examen  de l’écrit présenté en pièce jointe, deux remarques s’imposent.

La première concerne la nécessité de porter le numéro ADELI du signataire, qui  est absent ici.

La seconde remarque porte sur « l’objet de l’écrit ». Cette précision inaugurale permet de poser les limites et finalités de l’écrit, la nature des éléments de conclusion.

Le psychologue se doit de respecter en toute cohérence ce qu’il fixe comme « objet » de son écrit. S’il annonce en titre une « attestation psychologique et analyse clinique » d’un mineur, il est problématique qu’il conclue par des recommandations précises sur les modalités de la résidence de l’enfant et sur les relations parentales. Cette remarque conduit à développer le point suivant.

2. Distinction des missions et fonctions, respect du but assigné.

Le psychologue peut remplir différentes missions et exercer différentes fonctions. Cependant, il doit clairement les différencier dès le début de sa prise en charge et informer ceux qui le consultent des objectifs et limites de son intervention :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Dans la situation présente, le psychologue est sollicité initialement par la mère inquiète du mal-être de son fils, pour un accompagnement psychologique. La mission étant ainsi posée, le but clairement établi, le psychologue se doit d’adapter sa méthodologie et les limites de son intervention selon les indications du Code :

           Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Si une évaluation clinique de l’état psychologique doit être effectuée de surcroît, le psychologue doit faire preuve de rigueur afin de pouvoir apporter des éléments psychologiques susceptibles d’éclairer les propos tenus par l’enfant au-delà de leur seule transcription :

          Principe 4 : Rigueur

Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Article 24 : Les techniques utilisées par le psychologue à des fins d’évaluation, de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées et sont actualisées.

Enfin, puisqu’ici l’attestation comprend une évaluation, il est nécessaire de rappeler, surtout dans les situations de conflits parentaux manifestes dont l’enjeu concerne le devenir d’un enfant, que chaque parent doit être informé qu’il peut demander une nouvelle évaluation effectuée par un autre psychologue :

Article 14 : Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

 

3. Prudence et impartialité

Lorsqu’il reçoit des enfants en consultation, dans le cadre d’un suivi psychologique comme c’est le cas dans cette situation, le psychologue doit s’assurer du consentement de celui-ci, mais également de celui des détenteurs de l’autorité parentale.

Principe 1 : Respect des droits de la personne
Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection.


Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

Ici, le psychologue a bien reçu les détenteurs de l’autorité parentale, c’est-à-dire les parents, mais a refusé de recevoir la belle-mère de l’enfant, alors que celle-ci le souhaitait ainsi que le père de l’enfant.

Il n’y a pas actuellement de statut juridique spécifique concernant les conjoints des parents des enfants (belles-mères et beaux-pères), ni de prescription légale, réglementaire ou déontologique les concernant directement. Néanmoins, il revient au psychologue de décider ce qu’il estime être le plus opportun, dans l’intérêt de l’enfant, en respectant les droits des détenteurs de l’autorité parentale. Il s’agit là de sa responsabilité professionnelle, comme indiqué dans le Principe 3 du Code (déjà cité).

Par ailleurs, le psychologue doit veiller à rester impartial dans ses interventions, ce qui est précisé à la fin du Principe 2, traitant des compétences, et ce, malgré les pressions qu’il peut subir.

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

En refusant de recevoir la belle-mère de l’enfant, le psychologue n’a pas accédé à la demande du père et a reçu uniquement la mère de l’enfant pour la restitution de son analyse clinique, ainsi que pour évoquer ses préconisations en termes de diagnostic,  mode de garde et de conseils éducatifs.

La Commission rappelle également que le psychologue doit être prudent lorsqu’il rédige un écrit qui sera transmis à un tiers. Cette prudence est également de mise lorsqu’il s’agit de rapporter les propos d’un patient. Le psychologue doit en effet s’interroger en amont sur les effets qu’aura potentiellement un tel écrit, et donc sur la pertinence de relayer certains propos.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci.

En outre, il est également souligné dans l’article 25 que le psychologue doit faire preuve de prudence et de recul dans ses évaluations. Dans la situation présentée, la Commission estime que le psychologue a été péremptoire et a manqué de réserve dans ses conclusions.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Enfin, la Commission rappelle que le psychologue ne peut mener d’évaluation concernant des personnes qu’il n’a pas rencontrées. Il peut néanmoins formuler des avis, avis qui ne peuvent alors se fonder que sur des propos « rapportés », et bien identifiés comme tels.

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner.

Pour la CNCDP

La Présidente

Catherine Martin

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