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La requérante a quitté son conjoint « qui devenait violent », deux ans auparavant,  et  qui «  avec une fureur sans précédent, [lui] a imposé et contraint à une résidence alternée, par avocat interposé » pour leurs deux filles, âgées actuellement de 7 et 11 ans. Constatant qu’elles n’allaient pas bien : «  état physique en dents de scie, crises de nerfs ou de larmes, tristesse.. », elle les fait suivre depuis un an dans un centre psychologique.
« La médiation recommandée par le Juge aux affaires familiales n’ayant pas abouti, ce dernier a ordonné une « enquête sociale ».
La requérante conteste de nombreux points du rapport de la psychologue qui a fait cette enquête (prise de notes très rapide, déformation ou interprétation de certains de ses propos) et lui reproche de n’avoir pas pris contact avec les « soignants » qui s’occupent de ses filles. Sur le conseil de la présidente d’une association de l’Enfance, elle demande l’avis de la Commission sur ce rapport.

Pièce jointe 
La photocopie du rapport de la psychologue intitulé « Enquête sociale », dont de nombreux passages sont soulignés par la requérante, et quelquefois annotés.

Posté le 30-11-2010 12:29:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2005

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Enquête

Questions déontologiques associées :

- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Confidentialité (Confidentialité des locaux)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Responsabilité professionnelle

La Commission rappelle qu’il n’entre pas dans ses attributions de se prononcer sur la véracité des faits et propos qui lui sont rapportés. La commission donnera un avis sur le rapport d’enquête sociale puisqu’il s’agit d’un document établi par la psychologue, et cela au regard du code de déontologie des psychologues.

La commission traitera les points suivants

  1. la mission de la psychologue
  2. les conditions d’exercice,
  3. la responsabilité professionnelle de la psychologue

1)  la mission de la psychologue
Le rapport est intitulé « enquête sociale », et dans son préambule la psychologue rappelle précisément  les objectifs  de l’enquête fixés par le juge : « rapporter tous renseignements sur les garanties présentées sur les plans affectif, psychologique, moral, éducatif et matériel par le père et la mère, ainsi que, le cas échéant, leurs parents ou les personnes qui partagent leur existence,  indiquer la nature des difficultés qui apparaissent entre les enfants, leur père, leur mère, investiguer sur les ressources et charges de chacune des parties… leur train de vie et les conditions dans lesquelles ils exercent leur activité professionnelle.»  La psychologue doit rester vigilante et accepter les missions qui incombent à sa fonction : << Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent code, ni aux dispositions légales en vigueur >>,   article 7 du code de déontologie. Parmi ces objectifs, certains relèvent du domaine psychologique d’autres n’en relèvent pas. Il est  de la responsabilité  de la  psychologue  sollicitée pour une mission d’expertise de vérifier si cette dernière relève de son champ de compétences, de le confirmer au juge voire d’en préciser les limites ; il lui revient de refuser des missions qui dérogeraient à ses fonctions et à ses compétences

2)  les conditions d’exercice
Les entretiens avec chaque parent ont lieu à leur domicile, les deux enfants y étant également  rencontrés. Même si l’entretien se fait « hors de la présence des parents » comme le juge le préconise,  la psychologue a peut-être sous-estimé l’incidence que pouvaient  avoir les effets du cadre sur les enfants, ce  que met en relief l’article 15 du code : <<  le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent >>.

3) La responsabilité professionnelle de la psychologue
La requérante reproche à la psychologue d’avoir « pris des notes très rapidement,  sans enregistrement, … déformé  ou interprété  plusieurs de [ ses] propos ». Les entretiens avec les deux parents sont restitués longuement, dans le rapport de la psychologue, sous forme de très nombreuses citations de leurs propos, en italique, précédées d’indications claires des questions posées, avec parfois de brefs résumés de certains  propos. Ce type de restitution peut créer de l’insatisfaction chez la requérante qui aimerait sans doute retrouver l’intégralité de ses propos. La requérante reproche à la psychologue de n’avoir pas contacté les professionnels du centre psychologique où sont suivies ses filles. La psychologue semble avoir privilégié d’investiguer les effets de cette aide sur les enfants, à travers son entretien,  aide qu’elle estime d’ailleurs bénéfique. Le rapport se conclut par une « Discussion, conclusion » générale, répondant à la question posée sur le mode de garde des enfants : « émettre un avis en fonction de l’intérêt des enfants, et notamment leur âge.… ». La psychologue exerce sa responsabilité professionnelle telle qu’elle est  décrite dans le titre I-3 : <<  Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels >>. De plus,  <<  le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments psychologiques qui les fondent que si nécessaire >>. Article 12.
Le rapport de la psychologue est conforme à ces exigences mais elle aurait dû respecter l’article 9 : <<  dans toutes situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à une contre-évaluation >>. 

 

 

 

PARIS, le 25 juin 2005
Pour la CNCDP
Jean CAMUS
Président

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Avis 05-06.doc

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