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Monsieur et Madame D. ont écrit au SNP pour se plaindre de la conduite d’une psychologue, Madame R., que Madame D. a rencontrée pendant huit mois et son fils (décédé depuis par suicide) pendant plus longtemps.
Ils avaient été conseillés dans leur démarche, par le Dr. V, médecin généraliste, qui était leur médecin de famille depuis neuf ans au moment des faits. Celui-ci garantissait suffisamment, à leurs yeux, la compétence de la psychologue pour que Madame D. persévère de longs mois dans ses rapports avec elle, de même que son fils.
Madame D. se plaint globalement des agissements de la psychologue.
- D’une part, celle-ci l’a incitée, de manière pressante, à ingérer une substance dénommée "Fleurs de Bach" et lui en a vendu des flacons à plusieurs reprises. Madame D. en décrit les effets comme "intenses, brutaux, oppressants et déstructurant la pensée" ; un médecin en a ultérieurement comparé les effets à ceux des amphétamines. Il est à noter que le Dr V., interrogé par Madame D., lui a répondu que les fleurs de Bach étaient "un remède homéopathique à effet doux" et que celles qu’elle avait ingérées n’étaient probablement pas les vraies. Il a aussi attribué les troubles dont elle se plaignait au fait qu’elle avait été hypnotisée à son insu.
- D’autre part, la psychologue a progressivement développé des considérations sur la "thérapie de l’esprit" et sur "l’explication de l’aura" et a engagé Madame D. à participer à des cours d’astrologie et à des réunions dites de "développement de la personnalité" avec consommation de Fleurs de Bach, organisées par son mari, qu’elle présentait comme ostéopathe.
- Madame D. a fini par cesser ses relations avec Madame R. et a convaincu son fils de faire de même, mais elle a eu du mal à se remettre et elle met en rapport l’influence que la psychologue et son "traitement" ont eue sur son fils et le suicide de celui-ci.
Madame D. a déposé une plainte au procureur à l’encontre de la psychologue. L’affaire a été déclarée "sans suite".
Monsieur et Madame D. ont déposé une réclamation à l’Ordre des médecins contre leur "docteur traitant" de l’époque. L’affaire est en cours.
Ils se sont aussi adressés à l’Ordre des pharmaciens dont la réponse confirme que "les fleurs de Bach" sont interdites à la vente en France.
Cette affaire nous est soumise pour recueillir l’avis de la CNCDP en ce qui concerne la psychologue Madame R.

Posté le 17-12-2010 17:35:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 1998

Demandeur :
Particulier (Patient)

Contexte :
Procédure judiciaire entre psycho et patient/ tiers/ professionnel non psy

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie

Questions déontologiques associées :

- Usage abusif de la psychologie
- Abus de pouvoir (Abus de position)
- Code de déontologie (Statut du Code, finalité, légalisation, limites)
- Responsabilité professionnelle
- Respect de la personne

1. La Commission ne peut se prononcer sur des pratiques professionnelles que si celles ci émanent de personnes qui peuvent réellement se prévaloir du titre de psychologue, (cf. préambule au présent avis). Dans le cas présenté, le demandeur devrait s’assurer que Madame R. est bien psychologue. Il peut, pour ce faire, poser la question au SNP à qui il s’est d’abord adressé dans cette affaire.
2. Quant à la relation de la psychologue avec madame D.
Les agissements de la psychologue, tels que décrits par Madame D., font apparaître une volonté d’influencer, de convaincre et un abus d’autorité sur autrui en contradiction avec les principes du Code de Déontologie énoncés dans le
Préambule "Le respect de la personne humaine dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues".
Titre I-1. Sur le respect des droits de la personne : "(...) (Le psychologue) n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernée".
Titre I-4. A propos de probité : "Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles ; ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques (...)"
Article 9 "Avant toute intervention, le psychologue informe (les personnes qui le consultent ) des modalités, des objectifs et des limites de son intervention".
La conduite de Madame R. paraît en outre bien légère et irresponsable, dans les conseils donnés à Madame D. et à son fils et fort éloignée des recommandations de l’article suivant Article 19 "Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence".
3. Quant à la prescription et vente du produit dénommé "Fleurs de Bach"
Le psychologue qui n’est pas médecin, ne peut en aucun cas, se substituer à celui-ci en faisant une quelconque prescription. En tant que psychologue, il ne doit vendre aucun produit. En effet, le Code stipule dans son Article 5 "Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification (...). Il détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence".
On ne peut en aucune manière, assimiler la vente d’un produit à un acte psychologique.
4. Quant aux devoirs des psychologues Le terme "thérapie de l’esprit" ne renvoie à aucune pratique connue en psychologie, les termes "explication de l’aura", "thème astral" font référence à l’astrologie. Le recours à de telles pratiques est en complète contradiction avec le Code dans son
Titre I-5 "Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explication raisonnée de leur fondement théorique et de leur construction".
L’incitation à participer aux cours d’astrologie et aux réunions organisées par le mari de la psychologue contrevient aussi gravement au Code qui dit dans son
Article 11 "le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation d’autrui".
5. En matière de protection du public La Commission rappelle avec force la volonté des professionnels de protéger le public, cf. le Code dans son
Préambule "La finalité (du présent Code) est avant tout de protéger le public (...) contre les mésusages de la Psychologie et contre l’usage de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la Psychologie".
La Commission rappelle également que la responsabilité du psychologue est pleinement engagée dans tous ses actes professionnels : cf. le Code dans son Préambule "Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences de ses actions et avis professionnels".

Conclusion

La conduite de Madame R. à l’égard de Madame D. et de son fils contrevient gravement aux règles les plus essentielles de la déontologie des psychologues. En aucun cas, en effet, l’action de Madame R. ne reconnaît le droit inaliénable de chacun au respect de sa personne.
Monsieur et Madame D., à travers les nombreuses démarches qu’ils ont entreprises, participent à la protection du public, et défendent le droit des usagers à des prestations de qualité, rigoureuses et respectueuses de la personne.

Fait à Paris, le 12 septembre 1998. Pour la CNCDP,
Claude NAVELET, Présidente

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Avis 98-11.doc

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