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RESUME DE LA DEMANDE

La psychologue qui sollicite la commission, a décidé il y a sept ans, après une réorientation professionnelle, de s’établir en libéral. Pour cela, elle a débuté une formation qui devait l’accompagner dans « l’installation et la supervision » de sa pratique professionnelle. D’une durée de trois ans, ce cursus devait lui permettre d’obtenir une « certification de praticienne en psychologie » de type systémique et intégratif.

Le programme comprenait deux ou trois jours mensuels d’enseignement et de supervision en groupe, ainsi qu’une semaine intensive en été, nommée le « marathon thérapeutique ».

Après les trois années convenues, la demandeuse a été incitée à suivre deux années supplémentaires pour obtenir une « certification plus importante » et intégrer un réseau de thérapeutes. Au fil du temps, les coûts de formation ont augmenté de manière « considérable ». Après cinq années de formation, elle décide de mettre un terme à celle-ci, ce qui aurait entraîné des menaces à son égard, de la part du directeur de l’école.

Dix mois plus tard, elle porte plainte pour « escroquerie et abus de faiblesse », ce qui permet l’ouverture d’une procédure judiciaire. L’affaire est toujours en cours.

Afin d’étayer la défense de son avocate, elle soulève plusieurs points de discussion d’ordre déontologique. D’une part, elle met en doute la possibilité que de multiples places puissent se confondre pour un seul et même psychologue : dirigeant d’une entreprise, thérapeute, formateur et superviseur de ses propres « patients ». D’autre part, elle questionne sur le bien-fondé, pour les personnes formées, d’avoir pour thérapeutes uniquement ceux proposés par l’école. Troisièmement, elle interroge la Commission sur les « conditions » permettant de « faire entrer ses patients dans des groupes de thérapie ». Enfin, elle souhaiterait connaître la conduite à adopter face à un psychologue manquant au devoir de confidentialité relatif à des informations sur la personne, considérée tantôt comme un participant à une formation, tantôt comme « patient ».

 

Document joint :

- Certificat d'inscription de la demandeuse au répertoire des entreprises et des établissements.

Posté le 23-11-2020 01:18:24

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2019

Demandeur :
Psychologue (Secteur Libéral)

Contexte :
Relations/conflit avec les collègues psychologues ou enseignants de psychologie

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Conseil, coaching

Questions déontologiques associées :

- Abus de pouvoir (Abus de position)
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Cadre déontologique de formations complémentaires relevant de la psychologie.
  • Prise en charge à visée thérapeutique : consentement, confidentialité et secret professionnel.

 

  • Cadre déontologique de formations complémentaires relevant de la psychologie.

L’intervention du psychologue est rigoureusement basée sur des modèles théoriques explicitables et validés, comme précisé au Principe 4. C’est de ces connaissances théoriques et méthodologiques et de leur réactualisation que le psychologue tient sa compétence, comme mentionné dans le Principe 2.

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ».

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue;

- de la réactualisation régulière de ses connaissances ; […] »

 À partir de ce cadre, il est attendu que la construction des formations soit claire et rigoureuse, sans induire une publicité qui pourrait s’avérer mensongère. Le psychologue-formateur reste cependant libre de proposer, voire de créer des dispositifs pédagogiques, si ceux-ci sont construits avec une exigence de garantie scientifique, comme l’indique l’article 35 :

Article 35 : « Le psychologue enseignant la psychologie ne participe qu’à des formations offrant des garanties scientifiques sur leurs finalités et leurs moyens ».

À ce propos, la Commission s’est demandé si ladite « certification » a été agréée par un quelconque organisme officiel.

De son côté, au-delà des contrats établis entre les parties, le psychologue-participant reste libre de choisir la poursuite d’une formation vers un niveau « supérieur » ou non, sans que cela puisse porter préjudice aux acquis antérieurs. Son maintien dans ledit « réseau des thérapeutes » ne saurait être soumis à la poursuite de la formation. Un psychologue-formateur ne peut exploiter une relation professionnelle afin d’obtenir des rétributions de plus en plus élevées. Ceci pourrait s’apparenter à de la manipulation à des fins personnelles. Le Principe 5 et l’article 15 précisent ces contours :

Principe 5 : Intégrité et probité

« Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique ».

Article 15 : « Le psychologue n'use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation économique, affective ou sexuelle d’autrui ».

Selon les dires de la demandeuse, les places des participants et des intervenants semblaient confuses. L’intervenant-psychologue était tour à tour directeur, formateur et superviseur autant d’une formation didactique que personnelle, tandis que les stagiaires, psychologues inscrits à cette formation, étaient tantôt des participants, tantôt des « patients », induisant une confusion permanente entre ce qui relève de la didactique et de l’intime de la personne.

Toute intervention du psychologue, construite dans le respect du but assigné comme précisé par le Principe 6, doit pouvoir être soutenue d’une rigueur et d’une éthique scientifiques indiscutables. Le psychologue veille à ce que son intervention n’engendre pas de confusion quant à la place de chacun, qui porterait atteinte à l’intégrité des personnes et du secret professionnel, comme l’indique l’article 39.

 Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

Article 39 : « Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concernant l'évaluation des personnes et des groupes requièrent la plus grande rigueur scientifique et éthique dans le choix des outils, leur maniement - prudence, vérification - et leur utilisation - secret professionnel et confidentialité -. Les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et de l'intégrité des personnes présentées ».

Dans une formation conduite par un psychologue, il est attendu que les places et les relations soient clairement précisées et qu’aucune pression ne puisse être exercée, qu’elle soit pécuniaire ou psychologique, comme suggéré dans l’article 36 :

Article 36 : Les formateurs ne tiennent pas les étudiants pour des patients ou des clients. Ils ont pour seule mission de les former professionnellement, sans exercer sur eux une quelconque pression.

À partir de ces délimitations, le psychologue-formateur reste libre de fixer le montant de ses prestations, comme indiqué à l’article 28, tout au veillant au respect du Principe 1 du Code :

Article 28 : « Le psychologue exerçant en libéral fixe librement ses honoraires, informe ses clients de leur montant dès le premier entretien et s'assure de leur accord ».

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ».

 

 

  1. Prise en charge à visée thérapeutique : consentement, confidentialité et secret professionnel

Toute intervention du psychologue doit respecter les droits de la personne comme énoncé dès le Principe 1, déjà cité. Le psychologue s’attache en particulier à respecter l’autonomie d’autrui ainsi que sa liberté de jugement et de décision.

Selon la demandeuse, les personnes formées devraient choisir leur thérapeute parmi « un(e) des cinq thérapeutes de l’équipe de l’Ecole », ce qui déroge donc au Principe 1. Par ailleurs, l’intervention du psychologue ne peut se faire qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Ici, les conditions de formation se seraient modifiées au fil du temps ce qui déroge à l’esprit de l’article 9.

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions ».

En outre, le fait que les mêmes personnes soient à la fois thérapeutes et formateurs met en péril la confidentialité et le secret professionnel qui s’impose quel que soit le cadre d’exercice comme indiqué dans l’article 7, mais également dans le Principe 6, relatif au but assigné déjà cité.

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice ».

Le psychologue, quels que soient son domaine et ses méthodes d’intervention, a une responsabilité professionnelle rappelée dans le Principe 3 et le Principe 4 déjà cité.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

La dernière phrase de ce principe précise que le psychologue a la possibilité de remplir différentes missions et fonctions. Si tel est le cas, « il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ». Dans le cas présent, la formation a impliqué des thérapies individuelles et des groupes de thérapie avec les mêmes psychologues-formateurs, ce qui n’a pas manqué d’interroger la Commission quant à leur respect des énoncés des Principes 3 et 4, déjà cités.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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